Je ne sais pas quelles stratégies auraient été préférables. Je ne suis pas dans le « pour » ou « contre » ni dans un « clan » ou « dans l’autre ». Je suis humaine et j’ai des jugements mais, j’ai toujours été dans la réflexion avec une pensée fluide qui dérange.
Je ne me situe pas d’un côté ni de l’autre. Je suis pour un vivre-ensemble qui ne fera violence à personne. Je cherche une autre proposition de société qui sort de nos croyances acquises limitantes. Ce n’est pas parce que nous ne savons pas faire autrement que cet autrement n’existe pas et que nous devons rester enfermés dans nos carcans sociaux, et pire, sous prétexte que « nous sommes en pandémie! ».
Ainsi, je déplore que nous n’ayons plus le droit à la réflexion et que seule la pensée unique domine. La division, l’extrémisme, la radicalisation naissent de cette pensée unique et de cette incapacité d’échanger, de débattre avec écoute et ouverture.
Je déplore que nos gouvernements optent pour des obligations plutôt que des recommandations. Pendant que nous souhaitons assurer notre sécurité, nous ne voyons pas que nous faisons violence à d’autres et pire, parfois nous trouvons que cela justifié. Je déplore que nous n’ayons pas misé sur la responsabilisation, le discernement et le gros bon sens de tout un chacun.
Je déplore les 133 millions et des poussières[1] dépensés en publicité pour maintenir un discours unique et persuasif qui maintient un climat de peur. La peur et les mécanismes de survie nous déshumanisent. Des situations que jamais nous accepterions deviennent acceptables, voire nécessaires ; des ainées isolées dans leur chambre, des personnes qui décèdent seul sans pouvoir voir leur proche, des enfants masqués, des adolescents isolés. L’isolement est une torture. Rien de justifie la violence et encore moins sous prétexte que cela ne nous tue pas. Sauf peut-être lorsque nous sommes aveuglés par la peur qui nous empêche d’être en réelle empathie et que nous avons des croyances limitantes ; « on n’a pas le choix, on est en pandémie! ».
Je déplore ces discours : « Nous devons tous faire des sacrifices! », « Des gens vont mourir si… », « Par respect pour les personnes décédés, nous devons… », « Il faut soutenir et être solidaire avec le personnel soignant! ». C’est de la violence collective, de la manipulation, de la culpabilisation. Les sanctions, les obligations, les menaces, les chasses aux sorcières, le mépris, les insultes, le rabaissement sont des formes de violence. Ce n’est pas pour notre bien. Ce n’est pas sain. Ce n’est pas de la protection. Ce n’est pas offrir de la sécurité, de la puissance et du pouvoir à la société. Je déplore que nous ne soyons pas des citoyens actifs, constructifs, soutenants, participatifs, créatifs dans cette pandémie. Je déplore que nous soyons plutôt dépréciés au statut de citoyens passifs et résignés attendant une solution miracle qui nous sauvera de cette pandémie.
Je déplore qu’on se dise que « l’augmentation des suicides chez les moins de 15 ans en 2020 soit considéré comme un moindre mal ». Au Japon, cette augmentation est de 30%[2]! Aucun jeune de moins de 15 ans n’est décédé de la Covid mais, 90 se sont enlevés la vie. En 2020, les décès par suicides au Japon dépassent ceux de la Covid, un pays qui n’avait pas connu de hausse de suicides depuis les 11 dernières années! Je déplore que nous n’ayons pas encore accès à ces données au Québec et je déplore que nous n’en fassions pas une priorité. Je déplore que les enfants soient les plus grandes victimes collatérales du Grand confinement selon l’ONU. Des millions de décès annuels supplémentaires des moins de 5 ans sont à prévoir dans les prochaines années[3]. Je déplore qu’en 2020, déjà entre 6000 et 12 000 personnes mouraient quotidiennement de faim[4] en lien avec la crise économique et sociale. Je déplore que le fossé entre privilégiés et vulnérables se creusent, encore. Mais ça, on s’en fout, tant que nous soyons tous vaccinés et que personne ne dérange notre confort lorsque nous pourrons consommer à nouveau des divertissements éphémères et que le cours normal de notre vie aura repris.
Je déplore la destruction du tissu social. Je déplore que nous soyons un contre l’autre, que nous devions choisir un ou l’autre plutôt que favoriser un vivre-ensemble qui tiennent compte des réalités de tous ; celle du personnel soignant, celle des plus démunis, celle de ceux en faillite, celle des personnes en détresse, celle des adolescents, celle des enfants, celle des personnes âgées, celle unique de tout un chacun.
Pour ma part, ce que je vis n’est pas au niveau cognitif : « il faut comprendre que ». Ce que je vis se situe dans l’empathie des différentes réalités aux plurialités infinies.
Mélanie Ouimet
[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1784934/coronavirus-sensibilisation-infection-ontario-comparaison
[2] https://www.voaafrique.com/a/le-japon-a-enregistr%C3%A9-plus-de-20-000-suicides-l-an-dernier/5747611.html
[3]https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/policy_brief_on_covid_impact_on_children_16_april_2020.pdf
[4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1731502/faim-alimentation-pandemie-covid-restrictions