Durant une période de l’histoire québécoise, la religion catholique avait une forte emprise sur le peuple québécois. Le système d’éducation et le corps des femmes étaient entre autres très contrôlés par cette religion. Des symboles religieux étaient omniprésents autant dans les maisons, les hôpitaux, les écoles et autres lieux publics. Lors de la Révolution tranquille, nous avons assisté à un recul de la religion catholique et les appellations à connotation religieuse se sont laïcisées.
Depuis le 16 juin 2019, la loi sur la laïcité de l’État a été adoptée par l’Assemblé nationale du Québec. L’article premier dispose que « L’État du Québec est laïc. » La laïcité s’applique conformément à quatre principes : la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité de tous les citoyens et citoyennes, ainsi que la liberté de conscience et la liberté de religion.
Pourtant, l’État du Québec est-il réellement laïc lorsque nous regardons ces quatre principes? Est-ce que la science devient progressivement la nouvelle religion du Québec – comme dans plusieurs autres pays occidentaux d’ailleurs? Est-ce cette nouvelle religion qui dicte massivement la ligne de conduite à adopter depuis le début de cette pandémie? Une question épineuse, délicate et sensible mais, qui mérite réflexion.
Toute religion comporte une ligne directrice de pensées, de valeurs, de croyances ainsi que de comportements jugés adéquats. Les enseignements catholiques entre autres, ont un système « du bien » et « du mal ». La religion dicte à la société ce qui est moralement acceptable. Lorsque des citoyens ne s’y conforment pas ou transgressent ces principes religieux, ils sont méprisés, rejetés de leur communauté. Ils doivent se repentir et demander pardon pour les fautes commises. Ce sont des rapports du monde qui sont ramenés de manière très simpliste à une opposition du bien et du mal.
Il y a énormément de parallèle à faire avec la science. Et la pandémie est à mon avis un tremplin vers des dérives scientismes tant dans la société que sur le plan politique.
N’est-il pas une forme de religion lorsque nous croyons en la science? Oui, nous pouvons avoir confiance et croire que la science nous apportera des pistes de solutions. Par exemple, un traitement qui permettra d’éradiquer la Covid comme nous l’espérons depuis le début de cette pandémie. Mais, la science c’est aussi de remettre en question, de rejeter tout ce qui est insuffisant comme preuves, d’étudier et d’analyser de nouvelles données et ce, constamment. La science n’est pas de croire dogmatiquement. La science ce n’est pas tenir pour vrai.
Quand la science devient une religion, nous tombons dans ce que l’on appelle le scientisme. Lorsque nous croyons que la science est la seule méthode fiable pour nous apporter la Vérité, nous tombons dans du scientisme. Lorsque nous croyons que la science est rationnelle et qu’elle nous apporte une réalité objective, nous tombons également dans du scientisme. N’oublions pas que le scientifique est un être humain teinté de ses propres expériences, perceptions, croyances, émotions qui teintent chacune de ses recherches scientifiques. Ainsi, comme tout ce que l’être humain touche, la science n’est pas purement rationnelle. Les biais cognitifs existent et viennent influencer les recherches. Et c’est normal!
Pourquoi faut-il croire en la science? Parce que celle-ci est consensuelle affirmons-nous. C’est par le consensus scientifique que la science tire sa légitimité, son pouvoir, sa vérité. Pourtant, la science est par définition non consensuelle. C’est-à-dire que la science est faite pour être constamment remise en doute. La science ne détient aucune vérité. Les consensus scientifiques à un temps donné se font renverser à la lumière de nouvelles données et preuves scientifiques. Ainsi va la science. C’est un processus en constante évolution. Un processus jamais immuable. Lorsque nous affirmons haut et fort que nous devons croire en la science… nous sommes dans une croyance! Nous mettons notre foi, nos espoirs en la science. Nous remettons notre pouvoir entre les mains de la science en espérant que celle-ci apaise nos incertitudes, nos peurs, nos souffrances. Nous l’avons entendu plus d’une fois lors de cette crise sanitaire : « Si nous ne pouvons pas croire en la science, comment on va se sortir de cette crise? Allons, il faut croire en la science et garder espoir! »
Il est d’une évidence aujourd’hui que la terre est ronde. C’est un fait scientifique avéré et qui fait consensus. À l’époque, le consensus scientifique établit était que la terre était plate. C’était une vérité consensuelle dont nul n’avait droit de remettre en question. Il en va de même pour tant d’autres concepts qui faisaient consensus à une certaine époque. La science est en évolution permanente. En ce qui a trait à la vaccination contre la Covid, de nouvelles études paraissent jour après jour. Alors, je suis toujours étonnée lorsque j’entends que ceux qui doutent, ceux qui se posent des questions, ceux qui refusent la vaccination sont des personnes contre la science. Même en utilisant le concept de consensus scientifique, lorsque nous tentons d’imposer ladite vérité à autrui, rappelons-nous qu’il s’agit de NOTRE vérité et non de LA vérité. Avec les données que nous avons à un temps T, nous pouvons prendre ce qui fait sens pour nous selon nos valeurs, nos croyances, nos émotions. Chacun en toute liberté.
Un consensus scientifique n’est pas une preuve de vérité absolue. Qu’une majorité de personnes croient vrai une affirmation n’est pas une preuve de sa véracité. Les scientifiques comme tout autres simples citoyens qui sont à contre-courant ne font pas de l’antiscience. Ils ne sont pas complotistes. Interdire ou discréditer des personnes qui pensent à contre-courant d’un consensus alimente le scepticisme, les fausses croyances, les théories du complot mais surtout, empêche la science d’évoluer et de progresser. Ce que nous traversons depuis 18 mois – et même avant! – est donc plus qu’ironique ; nous nous empêchons de décrypter et d’anéantir tous ceux qui souhaitent faire progresser la science en remettant le consensus en doute et en contribuant avec des questionnements ou avec de nouvelles connaissances scientifiques.
Je crains que la politique d’aujourd’hui dit exempte de religion soit en train d’être dirigé par la science et que cette science nous dicte une ligne directrice de pensées, de valeurs, de croyances ainsi que de comportements jugés adéquats à adopter. Cette porte est déjà grande ouverte…
La science nous réconforte dans un monde chaotique rempli d’incertitudes. Elle nous sécurise dans nos peurs et nos angoisses. L’être humain cherchera toujours la Vérité, nous sommes ainsi faits. La science permet de répondre à des questionnements mais, elle ne détiendra jamais la Vérité. Plus encore, elle n’aura jamais la réponse au sens de la vie et à la quête de Soi.
Mélanie Ouimet