La pandémie amène son lot d’opinions musclées à plusieurs égards. Si plusieurs voient dans des revendications de certains des peccadilles, des indignations illégitimes, de l’enfantillage, de l’égoïsme, de l’individualisme, ce que nous traversons actuellement est à mon avis beaucoup plus profond. En limitant strictement les échanges sur ladite « libarté », sur le port du masque ou sur le passeport vaccinal, nous nous sommes éloignés de l’essence véritable des problématiques sociales importantes qui se sont accentuées avec cette pandémie. Nous avons également des échanges stériles de plus en plus violents, haineux et souvent vides de sens.
En tant que fondatrice de neuromanité, cette pandémie m’a fait miroiter dès le départ des enjeux sociaux majeurs sur le plan éducatif, éthique, médical, psychologique, philosophique, politique, spirituel. J’ai immédiatement été touchée par la violence collective qui s’installait graduellement au fil des semaines. Une violence envers les personnes âgées. Une violence envers les jeunes. Une violence politique et sanitaire. Tout ceci me ramène à l’éducation, à cette parentalité positive si chère à mon cœur pour laquelle je me forme et que je partage au travers mon travail.
Je crois profondément que si nous avions davantage de connaissances sur le développement affectif de l’enfant et sur les émotions, nous pourrions mieux accompagner et soutenir nos enfants sans avoir recours à des méthodes coercitives si ancrées dans notre société. Nous pourrions avoir une plus grande tendresse envers eux et nous-même pour tout ce que nous vivons. Je crois que ce sont des bases majeures que nous pouvons offrir à nos enfants et qu’ainsi, toute la société en ressortirait grandit. Nous aurions des adultes autonomes, souverains, compatissants, ouverts, altruistes et aimants. Nous aurions une société plus mature.
Également, l’essor des pharmaceutiques et le contrôle que celles-ci exercent dans nos vies sur notre santé globale est un aspect qui me touche depuis plusieurs années, en commençant par l’autisme et la neurodiversité.
Dans le milieu psychiatrique, des théories dominantes basées sur la science donnent l’apparence d’un consensus scientifique en matière de diagnostics psychiatriques. Pourtant, aucun marqueur biologique existe pour un trouble psychiatrique donné. Des différences cérébrales existent, des diversités de gènes ou d’expressions de gènes existent, des variabilités de comportements existent, la souffrance psychologique existe mais, il n’existe aucune preuve tangible de l’existence d’un trouble, d’une maladie psychiatrique. Dès lors, pourrions-nous parler de diversité cognitive? Pourrions-nous parler d’adaptation face à l’adversité?
Quoi qu’il en soit, tellement d’erreurs ont été et sont encore commises sous prétexte de vérités scientifiques consensuelles. Tant de thérapies inadaptées et violentes ont été et sont encore utilisées pour entrer des personnes dans un moule ou pour les « guérir ». Pensons qu’il n’y a pas si longtemps (et encore aujourd’hui!), des thérapies de conversions étaient utilisées pour guérir l’homosexualité. Aujourd’hui encore, sous prétexte que les autistes seraient troublés, des thérapies comportementales sont recommandées officiellement par le gouvernement. Une contrainte que plusieurs enfants autistes subissent quotidiennement au Québec et ailleurs à l’heure où l’on se parle. Le consensus a déclaré que c’était pour leur bien. Pour combien d’autres conditions encore cela est-il accepté « pour le bien et pour la sécurité »? Tant de médications sont également utilisés pour maîtriser des comportements jugés violents. On se bat encore aujourd’hui pour l’implication des « malades mentaux » dans le choix de leur traitement – combien sont-ils contraints à suivre le protocole, soi-disant pour leur bien et la sécurité de tous?
La vision populaire d’une génétique quasi immuable et fatalisme semble prétendre que nous héritons d’un code génétique prédéterminé. Des professionnels nous laisse croire que nous n’avons aucun pouvoir personnel et collectif quant à notre santé mentale et physique. Des compagnies pharmaceutiques nous vendent que le bonheur est à la porter d’une pilule magique. Notre société semble trouver de plus en plus normal de médicaliser les étapes normales de développement dès la tendre enfance jusqu’à la vieillesse. L’enfance se transforme en trouble comportemental et la vieillesse en démence. Nous en sommes même arrivés à médicaliser les aléas de la vie. La souffrance humaine n’est plus tolérée, elle n’est plus acceptable.
Autant sur le plan psychologique que physique, de plus en plus, nous souhaitons upgrader l’être humain comme s’il s’agissait d’une machine. Nous souhaitons le rendre plus performant à tous les niveaux. Nous souhaitons que l’être humain ne soit jamais malade. Nous souhaitons que l’être humain ne souffre plus. Nous souhaitons mettre l’être humain dans une bulle le protégeant de tout.
Il ne s’agit pas ici de dénier les progrès de la médecine moderne ni les progrès en ce qui a trait à la psychiatrie. Il s’agit plutôt de revoir notre modèle social actuel qui tend à remettre tous les pouvoirs aux pharmaceutiques pour notre santé globale.
En ce qui a trait à la santé psychologique, « le cerveau humain représente la plus grandiose expression de l’homéostasie », rappelle Allen Frances. « Nos pensées, nos émotions et notre comportement constituent le résultat final de la coordination extraordinairement complexe de milliards de cellules qui entre en jeu selon un équilibre exquis, délicat et bien accordé. » Cette homéostasie du cerveau possède une multitude de ressources pour permettre à l’être humain de faire face à de nombreux défis que la vie met sur sa route. Ces ressources permettent, de manière naturelle, de revenir à l’équilibre lorsque nous subissons des perturbations de notre état psychologique.
Notre société actuelle fortement influencée par l’industrie pharmaceutique combiné à la peur de souffrir ainsi qu’à la performance néglige ces ressources naturelles telles que la résilience, l’homéostasie et le travail du temps pour rétablir notre santé mentale.
Et il en va de même pour la mort. Un sujet de plus en plus tabou dans notre société. Si la médecine permet de rallonger l’espérance de vie, celle-ci ne nous apporte pas de réponse sur le sens de la vie. Prolonger la vie, vivre dans une bulle de sécurité n’empêche pas la mort d’arriver et surtout, l’éviter ne fait qu’augmenter notre peur de mourir et notre besoin de vivre dans un faux semblant de sécurité comme nous le voyons depuis le début de la pandémie. L’objectif zéro Covid en est le reflet.
Individuellement et collectivement, nous fuyons ou combattons nos émotions. Nous mettons nos énergies et nos croyances dans l’industrie pharmaceutique espérant qu’elle nous apporte des réponses, une vie éternelle et une dose de bonheur.
Par ce scientisme et ce transhumanisme, nous sommes en train de détruire tout ce qui fait de nous des êtres humains, tout ce qui nous anime et nous rend vivants. Dans le collective pour le 20e anniversaire de la neurodiversité, je disais qu’ « une société dans laquelle, ce transhumainsme exploité à l’extrême inhibe sournoisement l’essence de la vie humaine. L’éventail des émotions humain tout comme la singularité, l’originalité, l’excentricité – si étonnantes et troublantes soient-elles – sont neutralisés, dilués et néantisée par une médicalisation insidieusement préjudiciable. Mais, cette standardisation massive impacte les êtres humains. Par ce mirage de normalité – infiniment réduite – la majorité est égarée, cherchant désespérément à se réapproprier sa personnalité véritable à travers un diagnostic psychiatriques et des tests psychométriques subjectifs. Comme si, aujourd’hui, la quête de Soi dépendait de critère diagnostiques émis par l’analyse subjective d’un professionnel. Le bonheur se trouve-t-il dans les diagnostics psychiatrique Le bonheur se trouver-t-il dans les molécules chimiques? Le bonheur passe-t-il par l’acharnement à trouver cettedite bonne substance chimique correspondant à notre profil génétique particulier avec la conviction qu’une fois trouvée, la plénitude s’installera dans notre corps et dans notre esprit? Et d’ailleurs, que goûterait ce bonheur s’il n’avait pas émergé, quelque part, d’une certaine souffrance bien éprouvée? »
À mon avis, ce n’est pas une crise sanitaire que nous traversons ; c’est une crise spirituelle. Nous cherchons le sens. Le sens de la vie. Le sens de notre existence. Cette crise est peut-être une invitation à l’introversion.
En tout cas, je crains que cette pandémie ne soit un point de bascule. Je crains parce que je crois que notre société basculera vers un nouveau paradigme dogmatique et que nous perdions peu à peu notre humanité.
Mélanie Ouimet