Racines et destination

 

La neuromanité s’inspire de la neurodiversité, de l’épigénétique et des neurosciences affectives afin d’apporter un soutien à chaque être humain avec plus d’humanité. 

 

La neurodiversité se définit comme étant la diversité des cerveaux et des esprits humains*.

La diversité humaine est vaste et elle comporte plusieurs dimensions comme la diversité culturelle, ethnique, raciale et sexuelle, la diversité cognitive existe. Il n’existe pas de manière unique de penser, de concevoir, de ressentir et de percevoir le monde qui nous entoure.

La neurodiversité est une réalité biologique. On peut ainsi faire un parallèle avec la biodiversité qui est essentiel à la stabilité et à la santé des écosystèmes, la neurodiversité serait essentiel à la stabilité et à la santé de notre société.

À l’heure actuelle, la riche et complexe mosaïque qu’est la diversité humaine est transformée en désordres mentaux.

Ainsi, d’une part, tout comme la neurodiversité, la neuromanité désire mettre en avant plan la diversité des esprits humains. Cette forme de diversité humaine a forcément une raison d’exister, au même titre que la biodiversité, et pour préserver cette richesse il est essentiel de ne pas rendre pathologique tous comportements, réactions et émotions humaines qui sortent de la norme. L’excentricité, l’intensité, l’originalité, l’hypersensibilité, l’intériorité, la spontanéité ne sont pas des maladies!

Dans cette même vision, nous pourrions également comparer le cerveau à un écosystème: un réseau extrêmement complexe et infiniment diversifié. Cette infinie diversité provient de combinaisons de facteurs, innés et acquis qui interagissent ensemble pour former l’individualité de chaque humain.

En comparant le cerveau à un écosystème plutôt qu’à un ordinateur comme il était commun de le faire avant, nous prenons en considération que le cerveau humain n’est pas une machine. Cela considère qu’il y a du mouvement à l’intérieur comme à l’extérieur. Tout comme un écosystème, le cerveau peut subir des perturbations et devenir en déséquilibre. C’est normal ! Nous ne devons pas systématiquement rendre pathologique ces déséquilibres, tout en ne niant pas la détresse, voire la souffrance humaine qui sont ressenties.

Actuellement, la vision populaire d’une génétique quasi immuable et fatalisme semble prétendre que nous héritons d’un code génétique prédéterminé.

Certains professionnels semblent vouloir nous laisser croire que nous n’aurions aucun pouvoir personnel et collectif quant à notre santé mentale et physique. Notre société semble trouver de plus en plus normal de médicaliser les étapes normales de développement et des aléas de la vie… Cependant, il y a un risque pervers à réduire les comportements, les réactivités et les émotions d’une personne – enfant comme adulte – à un déséquilibre chimique de son cerveau, à une « mauvaise » génétique.

Au-delà de la génétique, il y a l’épigénétique. « L’épigénétique correspond à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modifications de la séquence d’ADN et pouvant être transmise lors des divisions cellulaires ». L’épigénétique peut modifier de manière réversible, transmissible et adaptative l’expression des gènes. Notre mode de vie influence grandement l’épigénétique qui vient ainsi jouer un rôle important quant à notre santé physique et mentale. De manière plus simpliste, nous pourrions dire que l’ADN contient le code génétique et l’épigénétique permet d’optimiser ou à l’inverse, de détériorer le potentiel génétique. Ainsi, lorsque nous affirmons que des troubles sont neurologiques et d’origine génétique beaucoup de confusions et surtout, beaucoup d’inexactitudes sont générées dans la société par certains professionnels.

« Le cerveau humain représente la plus grandiose expression de l’homéostasie », rappelle Allen Frances. « Nos pensées, nos émotions et notre comportement constituent le résultat final de la coordination extraordinairement complexe de milliards de cellules qui entre en jeu selon un équilibre exquis, délicat et bien accordé. » Cette homéostasie du cerveau possède une multitude de ressources pour permettre à l’être humain de faire fasse à de nombreux défis que la vie met sur sa route. Ces ressources permettent, de manière naturelle, de revenir à l’équilibre lorsque nous subissons des perturbations de notre état psychologique. Notre société actuelle fortement influencée par l’industrie pharmaceutique combiné à la peur de souffrir néglige ainsi qu’à la performance néglige ces ressources naturelles telles que la résilience, l’homéostasie et le travail du temps pour rétablir notre santé mentale.

Influencée et appuyée également sur les neurosciences affectives et sociales, la neuromanité favorise une approche bienveillante, basée sur l’empathie, la relation humaine, l’écoute véritable, l’altruiste et la compassion tant au niveau de l’éducation des enfants qu’au niveau de l’aide apportée aux personnes en détresse que simplement dans nos relations quotidiennes. Les neurosciences affectives nous démontrent depuis plusieurs années l’importance qu’une éducation non-violente a sur le développement de l’enfant. Le cerveau d’un enfant prend plusieurs années avant d’atteindre sa pleine maturité. Les neurosciences affectives démontrent concrètement que les expériences de vie modifient, de manière positive ou négative, le cerveau des enfants tant sur le plan cognitif qu’affectif et que l’éducation bienveillante est essentielle au bon développement du cerveau. Ce sont, entre autres, les interactions avec les adultes, basées sur un lien de confiance, sur l’accueil des émotions, sur l’empathie, qui permettent au cerveau de se développer selon son plein potentiel. Notre société tend à oublier les émotions humaines… nous considérons encore que les émotions sont des réactions subjectives. Alors qu’en fait, une émotion est une réaction physiologique à une stimulation. Les émotions ont pour fonction de produire une réaction spécifique à la situation déclencheur et de réguler l’état interne de l’organisme pour maintenir l’intégralité de l’individu. En ce sens, favoriser le développement affectif est primordial pour les enfants et les relations humains authentiques basées sur la qualité du lien sont essentiels pour les êtres humains sociaux que nous sommes.

L’épigénétique et les neurosciences nous démontrent aujourd’hui ce que la médecine chinoise renommée pour son approche intégrative préventive pratique déjà depuis fort longtemps. Nos émotions, nos comportements, nos réactions, notre mode de vie modèlent constamment l’expression de nos gènes et influencent notre bien-être. L’épigénétique et les neurosciences affectives et sociales permettent de redonner le pouvoir à l’être humain quant à sa santé mentale et physique. Ces sciences apportent également des pistes concrètes d’aide et de soutien en mettant le lien, le contact, l’attachement, l’authenticité au coeur des relations humaines. Collectivement, nous avons tous une influence les uns sur les autres. Comme nous le rappelle Matthieu Ricard, « l’égoïste se dit en substance : « À chacun de construire son propre bonheur. Je n’ai rien contre votre bonheur, mais ce n’est pas mon affaire. » Mais, répétons-le, nous ne sommes pas des entités autonomes et notre bonheur ne peut se construire qu’avec le concours des autres. » Notre société, de plus en plus performante et individualiste oublie ce fondement de base : l’être humain est un être social, de relation et d’attachement. Ne pas tenir compte de cette réalité est source de plusieurs problématiques, défis et souffrance dans la société occidentale.

Ainsi, d’autre part, outre la diversité réelle, la neuromanité souhaite également mettre en lumière les défis, la détresse et la souffrance humaine. L’environnement dans lequel grandit un enfant a un impact considérable sur son développement affectif et cognitif. L’environnement dans lequel un être humain évolue a un impact sur sa santé mentale. La neuromanité favorise également l’accent sur nos ressources infinies que nous offrent notre corps et la nature.

La société occidentale actuelle tend facilement vers les diagnostics pour expliquer différents comportements et symptômes rencontrés chez les êtres humains. Avec ce mode, la tendance aux médicaments est également populaire.

Cette tendance masque de manière abusive la diversité naturelle humaine. Également, plusieurs comportements incompris et mal canalisés et de la détresse sont masqués sous le couvercle des diagnostics psychiatriques. Cette standardisation massive impacte les êtres humains et enlève toute responsabilité et pouvoir sur notre corps et sur notre esprit.

La neuromanité favorise les relations d’égal à égal où subsiste un équilibre entre la compétition et la coopération mutuelle et humanisme. La force et l’équilibre de nos sociétés résident dans le bien-être de tout un chacun en incluant tous les êtres humains. 

En se basant sur ce que nous offre la richesse de la neurodiversité, les variations biologiques naturelles de la diversité humaine, sur l’épigénétique et sur les neurosciences affectives et sociales, pour que la détresse et la souffrance humaine soient également reconnues et non masquées sous la domination d’un modèle génétique réducteur, la neuromanité s’efforce à ce que chaque être humain puisse trouver sa niche permettant de favoriser le bon environnement chaleureux et donc potentiellement d’activer les bons interrupteurs génétiques permettant à la personne de s’épanouir pleinement et de tirer profit de l’intégralité de sa nature profonde.

Il est alors possible de considérer l’être humain dans son intégralité: un être complexe, avec des besoins, des intérêts, des sensations, des émotions, qui colorent sa vie et forment un tout indissociable.

L’humanité est notre destination et lorsque nous travaillons pour notre communauté et celle-ci nous le rend. Il devient alors possible d’aller plus loin, ensemble. « Prendre soin des autres peut aussi être l’une des voies les plus fertiles pour prendre soin de soi-même », nous rappelle Sébastien Henry. Une destination complexe… mais bien plus riche et profonde que ce que tend à suggérer notre société actuelle qui met de l’avant le « chacun pour soi ».

Neurodiversité, épigénétique, neurosciences affectives et sociales, une combinaison favorisant plus de neuromanité pour aller ensemble vers notre destination : l’humanité. 

 

Mélanie Ouimet et Alexandre Lapointe

 

* http://www.neurodiversite.com

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique

Pour une enfance heureuse, Catherine Gueguen, POCKET, mars 2015

Sommes-nous tous des malades mentaux ? Le normal et le pathologique, la vérité sur le DSM-V, Allen Frances, ODILE JACOB, traduction française octobre 2013

Que se passe-t-il en moi? Mieux vivre avec ses émotions au quotidien, Isabelle Filliozat, poche MARABOUT, 2013

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