La neurodiversité : un réel atout pour la survie de notre espèce

La neurodiversité : un réel atout pour la survie de notre espèce

Les gènes des neurotypes atypiques persistent dans le patrimoine humain parce qu’ils présentent des avantages évolutifs. Les neurotypes que nous qualifions actuellement de troubles, de déficiences ou même de maladies psychiatriques sont en réalité de véritables facteurs de créativité, d’adaptabilité, de résilience.

 

Les gènes des neurotypes atypiques persistent dans le patrimoine humain parce qu’ils présentent des avantages évolutifs. Les neurotypes que nous qualifions actuellement de troubles, de déficiences ou même de maladies psychiatriques sont en réalité de véritables facteurs de créativité, d’adaptabilité, de résilience.

Lorsque nous regardons sous l’angle de déficit, nous avons tendance à décrire les neurotypes que sous cet angle. Un autiste serait affecté au niveau de la socialisation, un dyslexique au niveau des symboles imprimés, un dyscalculique au niveau des nombres. En réalité, c’est TOUT un modèle complexe alternatif qui vient modifier la manière dont les neurodivergents traitent l’information à tous les niveaux. Nous faisons de graves erreurs lorsque nous considérons que le cerveau des neurodivergents se développe de la même manière que la majorité mais, que leur cerveau fait mal. En réalité, le cerveau établit un modèle divergent de connexions et de circuits cérébraux qui confère un autre type de fonctionnement du cerveau entier.

Dans notre société, nous avons, au fils des années, mis de l’avant certaines caractéristiques, certains modes de fonctionnement, certaines disciplines et facultés, certains modes d’apprentissages qui sont valorisés. Dans l’enseignement par exemple, le verbe est prioritaire alors qu’il existe une plurialité d’autres aptitudes qui servent notre collectivité et qui sont toutes aussi importantes.

Dans les années 80, Norman Geschwind a été le premier à suggérer que lorsque qu’un éventail assez grand d’individus possédant des particularités identifiées comme des déficits, il est essentiel de se demander s’il n’y aurait pas des avantages compensatoires[1]. Ainsi, il voit dans ces particularités non pas des déficits mais, des avantages évolutifs à l’espèce humaine. C’est ce même raisonnement que j’ai fait initialement pour l’autisme et par la suite, pour les autres neurotypes. La question n’est pas de noter des différences cérébrales en termes d’anomalies, mais bien de les observer avec ce questionnement : pourquoi ces cerveaux sont branchés de cette manière particulière? Le cerveau doit être observé dans son intégralité pour comprendre comment les connexions neuronales sont connectées pour conférer un fonctionnement particulier avec des avantages considérables pour l’espèce humaine. Les défis observables chez les personnes neurodivergentes ne sont pas les principales caractéristiques de la condition. Ils sont en fait le résultat d’un modèle d’organisation cérébrale totalement divergent de la norme et d’un traitement de l’information perceptif particulier.

Des psychologues de l’Université de Cambridge ont démontré que les dyslexiques étaient particulièrement doués pour explorer leur environnement et s’y adapter. Ces capacités d’exploration et d’adaptation sont un atout important pour la survie ce qui aurait joué un rôle important au sein de l’évolution de l’espèce humaine. Les auteurs émettent l’hypothèse que « les attributs cognitifs propres aux individus dyslexiques sont des caractéristiques pour lesquelles ils ont été sélectionnés par la nature. » Les dyslexiques ont des capacités visuo-spatiales globales[2], y compris la capacité d’identifier des « objets impossibles », c’est-à-dire la représentation d’une construction fictive d’un objet contraire aux lois physiques connues de la nature, comme le triangle de Penrose, le blivet ou l’Étoile d’Escher. Ils ont aussi des habiletés pour traiter des scènes visuelles en basse définition ou floues[3]. Ils perçoivent également les informations visuelles périphériques plus rapidement que les non-dyslexiques[4]. De tels atouts peuvent être utiles dans des domaines nécessitant une réflexion tridimensionnelle comme l’astrophysique, la biologique moléculaire, l’infographie, l’ingénierie, la génétique.

Les autistes ont des forces reliées avec des patterns ce qui est un atout au travail pour l’informatique, les systèmes mathématiques entre autres. Ils ont également des habiletés pour identifier des détails minuscules dans des modèles complexes[5]. Par ailleurs, ils obtiennent des scores significativement plus élevés au test d’intelligence non verbal des matrices de Raven qu’aux échelles verbales de Wechsler[6], ce qui implique des forces perceptives.

Toutes ces forces ont une explication évolutive de la raison de l’existence de toute cette diversité neurologique, autant passée que présente. Également, la pensée tridimensionnelle des dyslexiques aurait été adaptative pour les cultures pré-alphabétisées pour concevoir des outils, tracer des itinéraires de chasse, construire des abris. Les comportements d’impulsivité, de distractibilité et d’hyperactivité aidaient nos ancêtres à trouver de la nourriture ou à percevoir rapidement un danger et avertir le reste du clan. Comment ces atouts auraient-ils pu être considérés comme des troubles d’apprentissages à cette époque? Tout ne devient-il pas une question de contexte, de culture, de besoin, de norme sociale?

Également, notre société tend à penser et à fonctionner de manière individualiste. Cela se reflète également lorsque nous remarquons qu’une personne rencontre des difficultés ; ces défis lui son propre et son cerveau est dysfonctionnel. Au niveau de la recherche cognitive, il serait pertinent d’adopter une autre perspective que celle individuelle. Les humains sont interdépendants les uns des autres. Nous sommes des mammifères et nous vivons en groupe. Lorsque nous regardons la diversité cognitive au sein du groupe, nous pouvons y voir tous les avantages des intelligences multiples. La diversité a assuré notre survie au fil des années et continue de le faire à l’heure actuelle. Les intelligences multiples forment notre intelligence collective qui est assurément au cœur de notre capacité d’adaptation phénoménale. Vouloir supprimer, corriger, modifier, normaliser la pensée divergente serait un réel désavantage pour notre espèce humain qui deviendrait progressivement moins adaptative alors que nous devons affrontés constamment de nombreux défis existentiels, l’adaptabilité est essentielle.

 

Mélanie Ouimet

 

Références :

[1] Geschwind, N. (1982). Pourquoi Orton avait raison. Anne. Dyslexie 32, 13–30

[2] von Károlyi C, Vainqueur E, Gray W, Sherman GF. Dyslexie liée au talent : capacité visuo-spatiale globale. Cerveau Lang . 2003;85(3):427-431

[3] Schneps MH, Brockmole JR, Sonnert G, Pomplun M. Histoire des difficultés de lecture liées à un apprentissage amélioré dans des scènes à basse fréquence spatiale.  PLoS ONE . 2012;7(4):e35724

[4] Geiger G, Cattaneo C, Galli R, et al. Des modes perceptuels larges et diffus caractérisent les dyslexiques de la vision et de l’audition. Perception . 2008;37(11):1745-1764

[5] Baron-Cohen S, Ashwin E, Ashwin C, Tavassoli T, Chakrabarti B. Talent dans l’autisme : hyper-systématisation, hyper-attention aux détails et hypersensibilité sensorielle. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci . 2009;364(1522):1377-1383.

[6] Mottron L. Changer les perceptions : le pouvoir de l’autisme. Nature . 2011;479(7371):33-35

 

L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

Le trouble d’opposition avec ou sans provocation ne devrait pas être une étiquette pour décrire les jeunes ni un diagnostic psychiatrique que nous devrions leur imposer. Certes, il s’agit de comportements qui peuvent être très difficiles et très intenses à gérer, surtout lorsque ces comportements deviennent chroniques. Par contre, comme pour chaque comportement, il s’agit d’un langage affectif. Il est essentiel de comprendre ce qui motive l’opposition et la provocation qui peuvent avoir plusieurs motivations.

Un enfant ou un adolescent qui s’oppose ne cherche pas à nous provoquer ni à nous faire suer. Il cherche avant tout à s’affirmer. Souvent, cette affirmation de soi est très maladroite. Les enfants peuvent frapper, mordre, cracher, donner un coup de pied dans le tibia, les adolescents peuvent nous insulter, frapper dans le cadre de porte. La force de frustration est puissante et la rage ressentie est intense. C’est difficile, voire impossible pour les jeunes de s’exprimer verbalement et de mettre en mots ce qu’ils ressentent.

Parfois, que ce soit à la maison ou à l’école, la consigne demandée n’est simplement pas comprise ou elle peut générer des émotions désagréables chez particulièrement chez les jeunes neuroatypiques. Les enfants peuvent se sentir contraints, ils peuvent bloquer, figer sur place, argumenter, s’opposer. La consigne doit faire du sens pour ces enfants, c’est primordial. Ils peuvent avoir besoin d’explications supplémentaires, que la consigne soit très explicite, que les raisons de cette consigne soient claires.

Il arrive que la consigne ne fasse jamais sens pour l’enfant. Par exemple, au niveau des codes sociaux comme la politesse : dire bonjour, dire merci, dire au revoir, ne pas parler trop fort, sourire en retour, rester à table jusqu’à ce que tous aient terminé, regarder sans les yeux, faire la bise, faire un câlin, faire une poignée de main. Rappelons ici qu’il s’agit de codes et de normes sociales avant tout. Tout est donc relatif à la société, à la culture, à l’époque. Et surtout, les codes sociaux ne sont qu’une parure, qu’une forme pour vivre en société de manière harmonieuse et respectueuse – en superficie. Si cela n’est que parure, qu’un bien paraître, quel est le sens? Faire semblant? Pourquoi? Si cela n’est pas sincère et ressenti, pourquoi jouer la comédie? Pourquoi ne pas affirmer ses vrais sentiments? Les neuroatypiques détectent ce qui est faux, ce qui est vide, ce qui n’est qu’apparences. Ils se sentent floués, inconfortables, perdus, trahis. L’intégrité est également très importante. Alors pourquoi dire bonjour juste par politesse si ce n’est pas senti? Pourquoi dire merci quand nous ne sommes pas contents? Pourquoi faire un câlin si nous n’en avons pas envie? Dur dur tous ces non-sens!

Puis, vous êtes-vous déjà demandé ce que vos propres demandes ou phrases peuvent avoir comme réactions émotionnelles chez votre enfant : « Restes sage! », « Ne bouge pas », « Restes assis et ne parle pas », « Fais-moi pas honte », « Ne me fais pas de crises ». Et lorsque vous vous exprimez sous forme d’ordres plutôt que demandes à votre enfant : « Range ta chambre immédiatement », « Vas faire tes devoirs! », « Habilles-toi rapidement, on part maintenant! ». L’enfant se sent contraint. Il peut se sentir littéralement comme un objet plutôt que comme un être humain. Il peut percevoir ces phrases, ces ordres comme de la provocation ou comme un affront. Ces phrases activent les régions primitives de son cerveau. Il est normal qu’il réagisse par attaque, fuite ou immobilisation. Et via l’attaque comme l’opposition, il souhaite s’affirmer, protéger son intégrité. Il a besoin d’être considéré.

Lorsque les défis d’opposition sont chroniques chez un jeune, la réaction au stress est une piste à explorer. La neuroception, c’est-à-dire la capacité du cerveau à détecter un danger ou une menace, s’active et provoque des réactions défensives même si le danger ou la menace n’est pas imminente. Notre cerveau détecte automatiquement et de manière subconsciente le danger lors de situations courantes de la vie. Parfois, selon différentes situations, selon la perception, la sensibilité, la maturité cérébrale, le jeune est dans une réaction de stress. Le système nerveux de l’enfant réagit et place l’enfant involontairement dans une posture défensive qui entraîne une multitude de comportements difficiles dont l’opposition.

Les neurodivergents étant de personnes hypersensibles se retrouvent souvent dans un état de stress ; ils perçoivent énormément de stimuli et un stimuli est un stresseur. C’est très insécurisant. C’est une des raisons pourquoi des comportements d’opposition et de provocation sont souvent observées chez les enfants et les adolescents neurodivergents. Ces jeunes se sentent souvent impuissants et hors de contrôle, ce qui déclenche aisément des réactions défensives. À cela s’ajoute tous les autres facteurs environnementaux anxiogènes comme des conflits familiaux, un deuil, un déménagement, de l’intimidation, de la violence familiale ou scolaire, un traumatisme. Il y a tant de facteurs stressants qui peuvent amener un enfant à réagir de manière défensive. C’est pourquoi, si nous souhaitons apporter un soutien approprié et bienveillant, il est essentiel d’aller à la source. Et pour chacun des enfants, ce sera différent.

Les méthodes de gestion du comportement général ne sont généralement pas appropriées. Tout d’abord, celles-ci sont généralistes et ne tiennent que rarement compte de la situation unique de l’enfant. Ensuite, c’est le comportement qui est visé et non tout l’aspect émotionnel. Les plans d’interventions cherchent à éliminer le comportement dérangeant, à récompenser les comportements attendus, à ignorer le jeune, à retirer des objets ou des activités plaisantes pour l’enfant lorsque celui-ci se comporte mal. Souvent, même un traitement médicamenteux est utilisé. Ces techniques comportementales reposent sur le principe que l’enfant a un contrôle sur ces comportements. Alors que ce n’est pas le cas. L’enfant réagit ainsi involontairement et par instinct de survie. Cela ne signifie pas non plus que son cerveau est défectueux, bien au contraire.

Lorsque nous sommes sous stress et que notre cerveau réagit, il y a trois possibilités : l’attaque, la fuite ou le figement. Ainsi, les comportements d’opposition et de provocation ne sont que l’expression d’une réponse à un danger : l’attaque. Il ne s’agit aucunement d’une mauvaise conduite volontaire ni d’un trouble psychiatrique. Les jeunes ne font pas exprès. Ils n’ont aucunement l’intention de nous faire suer.

Lorsque nous optons pour des techniques comportementales telles qu’énumérées ci-haut, nous plaçons le jeune dans une détresse supplémentaire. Son cerveau nous perçoit comme une menace supplémentaire et son sentiment d’insécurité augmente. Nous voilà dans un cycle vicieux.

Un jeune qui est constamment en défiance oppositionnel a surtout besoin de lien d’attachement avec l’adulte. Un lien dans lequel l’adulte lui apportera compréhension, soutien, confiance, ouverture et la sécurité émotionnelle dont il a tant besoin pour se déposer et s’ouvrir sur sa vulnérabilité et sa détresse. Se sentir en sécurité est un grand besoin chez les jeunes neurodivergents et cela prend énormément de temps pour construire ce sentiment à l’intérieur de soi.

 

Mélanie Ouimet

La parentalité proximale n’est pas une forme de laxisme

La parentalité proximale n’est pas une forme de laxisme

La parentalité proximale est souvent amalgamée ou confondue avec une certaine forme de laxisme.

 

Le laxisme serait une forme de parentalité qui s’apparente au « laisser-aller ». Le parent devrait répondre à toutes les demandes de l’enfant et lui éviter toute forme de frustration. Un système dans lequel l’enfant n’aurait aucune limite.

La parentalité proximale signifie de répondre, autant que possible, aux besoins fondamentaux primaires des tout-petits : succion, attachement, proximité, sécurité, affection, tendresse, amour. 

L’enfant bénéficie d’un cadre sécuritaire et défini dans lequel il a autant de liberté que possible pour explorer, créer, bouger, toucher afin de favoriser son développement moteur, intellectuel et émotionnel. Les parents misent également sur la capacité innée des enfants à s’auto-discipliner lorsqu’ils sont considérés et respectés. La parentalité proximale prend également en considération le développement affectif et social de l’enfant. Ainsi, il n’est aucunement suggéré que nous devons accepter tous les comportements et demandes des enfants.

Prenons cet exemple. Un enfant souhaite avoir un gâteau au chocolat pour le souper. Le parent lui refuse en lui expliquant pourquoi. L’enfant pourra exploser de colère suivant ce refus. Un parent laxisme voudrait éviter que l’enfant fasse une crise, soit pour lui éviter une souffrance soit pour s’éviter à lui-même de faire face à la crise de l’enfant qui peut être très difficile à contenir.

À l’inverse, la parentalité proximale permet de reconnaître le sentiment de l’enfant : la frustration. La frustration n’est pas un caprice!

Les refus entrainent beaucoup de frustration, particulièrement chez le jeune enfant. Suivant son développement affectif, celui-ci est bouleversé par les contraintes et la force de sa frustration est particulièrement intense et violente. Certains gestes inacceptables peuvent également déferler. En aucun cas la violence doit être acceptée par le parent. Cependant, le parent peut arrêter doucement les gestes impulsifs de l’enfant, sans mettre d’emphase négative sur ceux-ci. Le cerveau d’un enfant est encore immature et seul, l’enfant ne peut arriver à maîtriser sa frustration. Il a besoin de la présence sécurisante d’un adulte qui le reconnaîtra dans sa frustration et le mènera progressivement vers la tristesse, les larmes et l’acceptation, donc progressivement vers le chemin de la résilience.

Accompagner l’enfant à traverser sa frustration n’est pas de répondre à un caprice mais bien de répondre à un besoin émotionnel.

Par ailleurs, l’amalgame entre parentalité proximale et « un enfant roi » est souvent faite. Nous confondons ici également deux éléments qui sont pourtant bien différents. Un enfant roi est un enfant qui n’a malheureusement pas connu suffisamment de frustration et de connexion bienveillante et empathique avec les adultes qui l’accompagnent. Ainsi, ce n’est pas le parentage de proximité qui crée l’enfant roi mais bien le fait d’éviter toutes frustrations à l’enfant et surtout, de ne pas être à l’écoute des véritables besoins qu’il tente d’exprimer maladroitement.

« L’amour, c’est du carburant pour nos enfants » pour reprendre la phrase culte d’Isabelle Filliozat.

Nous croyons souvent que l’enfant « roi » est un enfant qui a reçu tout ce dont il avait besoin, qu’il a même été gavé d’amour puisque tous ses désirs ont été comblés. Mais, c’est une erreur! Un enfant roi n’est pas un enfant choyé et rempli d’amour, bien au contraire. Par ses demandes exigeantes, l’enfant « roi » exprime des manques, principalement des carences affectives. Par exemple, lorsque ce dernier affirme qu’il veut un nouveau jouet et qu’il fait une énorme crise, bien que cela calmera la crise, lui acheter ce jouet ne va pas combler son véritable besoin cacher derrière sa demande. La racine de ses incessantes demandes est souvent le manque de relation affective. Il n’a donc pas besoin d’une discipline plus ferme mais d’être entendu et compris. Il a besoin d’être en relation affective avec les adultes qui en prennent soin. Il a besoin d’amour… Ne mélangeons pas le besoin d’amour avec satisfaction de tous les désirs!

Tristement, nous en sommes venus à croire qu’un enfant peut devenir « gâté pourrit » si nous répondons à ses besoins affectifs. Nous ne le répèterons jamais assez, un enfant NE PEUT PAS être gavé d’amour.  

 

Mélanie Ouimet

La neurodiversité : une utopie qui masque la souffrance?

La neurodiversité : une utopie qui masque la souffrance?

Célébrer la neurodiversité, la diversité humaine, l’intelligence sous toutes ses formes : la diversité du cerveau, corps et esprit humain, avec ses souffrances et blessures, avec ses couleurs et lumières.    

 

Une des critiques négatives envers le concept de la neurodiversité est que celui-ci est élitisme et ne s’adresse qu’aux personnes ayant un bon niveau de fonctionnement social. En ce qui a trait à l’autisme particulièrement, cette critique revient souvent soi-disant que la neurodiversité s’adresse seulement aux autistes « hautement fonctionnels ». Il est reproché d’oublier et d’exclure les autistes de « bas niveau », voire de ne parler que pour une « race supérieure » d’autistes. En somme, le concept négligerait ceux ayant un « véritable » trouble et un « véritable » handicap. Cette croyance ne pourrait être plus qu’infondée! Il est important de spécifier d’emblée que la neurodiversité est inclusive. L’humanité est neurodiverse comme l’humanité est raciale, culturelles, ethnique. 

La neurodiversité ne catégorise pas les êtres humains en termes de maladies mentales, de troubles neurologiques, de déficits ou d’anormalité. 

La neurodiversité favorise l’épanouissement de chaque être humain, dans le respect de sa singularité, en lui apportant l’aide et un soutien véritables basés avant tout sur la relation humaine et selon ses besoins qui lui sont propres.  Actuellement, la tendance populaire pour expliquer les troubles psychiatriques est basée principalement sur le cerveau de la personne : le cerveau est fonctionnel ou dysfonctionnel. En somme, la psychiatrie utilise les neurosciences cognitives pour expliquer les « symptômes » d’une personne. Or, un être humain ne pourra jamais être réduit qu’à son cerveau. Le cerveau est complexe et surtout, il est en interaction constante avec l’entièreté du corps humain. 

La neurodiversité est un concept qui se base sur les neurosciences – pas seulement sur le cognitif. Les neurosciences englobent les disciplines étudiants le système nerveux ainsi que l’anatomie et les maladies qui peuvent en découler. Les neurosciences sont donc un champ transdisciplinaire faisant appel à une diversité d’approches afin de considérer l’être humain dans son intégralité. 

Ainsi, lorsque nous abordons le concept de la neurodiversité, en aucun cas il s’agit de masquer la souffrance comme si elle n’existait pas, mais bien d’une part, apporter une meilleure compréhension de la diversité humaine. L’excentricité, l’intensité, l’originalité, l’hypersensibilité, l’intériorité, la spontanéité ne sont pas des maladies! Dans cette même optique, c’est de donner un sens aux comportements. Les comportements, les réactions et les émotions humaines qui ressortent de la norme et qui semblent parfois incompréhensibles et qui effraient la majorité ne sont pas nécessairement le signe d’un trouble immuable ni d’un dysfonctionnel cérébral[1]. Par exemple, l’autisme se caractériserait par une plasticité modale-croisée[2], c’est-à-dire une réorganisation des aires cérébrales qui confèrerait un fonctionnement perceptif préférentiel comparativement à un fonctionnement préférentiellement social. Il s’agit d’une variante neurologique minoritaire naturelle. Lorsque certains comportements perturbants surviennent ou qu’une souffrance qui semble sans retour s’installe, la « cause » n’est pas ce fonctionnement perceptif à proprement parler, mais bien la résultante de plusieurs situations externes vécues par la personne.

Pour comprendre le sens des comportements ou de la souffrance, il est impératif de considérer l’être humain dans un système complexe et dynamique et de concevoir les comportements comme étant une réaction physiologique « normale » et non comme une réaction conséquente à un trouble, à une maladie mentale contre laquelle nous devons nous battre. 

À l’inverse de la tendance psychiatrique actuelle, la neurodiversité ne masque pas la souffrance humaine sous l’appellation « trouble neurologique » – d’un cerveau dysfonctionnel. Il est essentiel de reconnaître ce qui ne va pas, sans toutefois le pathologiser ni en laissant la personne avec la problématique. La neurodiversité met sans masque ni tabou cette souffrance en lumière pour apporter un véritable soutien à la personne afin de permettre à celle-ci de la vivre et de la traverser pleinement en toute sécurité. La neurodiversité s’oppose au conformiste d’une société normalisante qui détruit tout ce qui fait de nous des êtres humains et qui semble avoir perdue de vue au fil du temps les besoins essentiels des humains: se sentir inclut, vu, reconnu, compris, connecté.

Célébrer la richesse de l’être humain. La force de sa diversité naturelle. Sa capacité singulière et souvent incomprise d’adaptation dans l’adversité, même la plus hostile. La complexité de ses systèmes qui interagissent ensemble, avec les autres et avec l’environnement. Célébrer l’être humain, un être fondamentalement social dont ses joies, ses peines, ses déceptions, ses réussites, ses attentes, ses angoisses, ses souffrances, sa résilience ne seront jamais réductibles qu’à un cerveau « normal » ou « dysfonctionnel » pas plus qu’à des mesures neurobiologiques. 

La neurodiversité est une forme d’élitisme selon certains. Mais, l’élitisme ne serait pas plutôt de faire croire à certaines personnes qu’elles ont un trouble et ainsi leur enlever tout pouvoir sur leur vie personnelle? Le concept de la neurodiversité n’est pas que réservé aux personnes « hautement fonctionnelles » de la société. Le concept de la neurodiversité n’est pas un nouveau paradigme qui servira à masquer la détresse et la souffrance humaine, comme le fait le paradigme médical actuel en nommant ces défis : troubles psychiatriques. Dépsychiatriser ces comportements ne revient pas à dire que nous devons accepter la personne comme elle est en la laissant dans une détresse ou en la laissant avoir des comportements potentiellement dangereux pour elle comme pour son entourage. Il s’agit d’apporter un sens à ses comportements, d’en trouver la racine profonde afin qu’elle puisse retrouver sa pleine autonomie. La neurodiversité, c’est en soi repenser l’organisme vivant en tant que systèmes complexes interagissant ensemble pour former un tout indissociable. La neurodiversité, c’est de concevoir la souffrance psychique de manière totalement différente que ce que l’industrie pharmacologique propose et d’amener une vision humanisme pour redonner le pouvoir et l’autonomie à chaque être humain.

 

Mélanie Ouimet

Références :

[1] À titre d’exemple : http://neuromanite.com/2019/10/28/troubles-graves-du-comportement-ou-mecanismes-dadaptation-mal-compris-partie-1/

[2] Barbeau, E.B., Lewis, J.D., Doyon, J., Benali, H., Zeffiro, T.A., & Mot- tron, L. (2015) A Greater Involve- ment of Posterior Brain Areas in Interhemispheric Transfer in Au- tism: fMRI, DWI and behavioral evidences. NeuroImage:Clinical 8: 267–280 [/pl_text] [/pl_col] [/pl_row]

Nos jeunes sont en détresse

Nos jeunes sont en détresse

Depuis le début de la pandémie, nos quotidiens ont été chamboulés. Au fil des mois, l’incertitude sur l’avenir s’accentue et le stress devient chronique pour plusieurs d’entre nous. C’est tout à fait normal compte tenu ce que nous vivons.  

Les jeunes n’en sont pas épargnés. Ils font d’ailleurs partie des êtres humains plus vulnérables ; ils sont en plein développement et ils sont dans une période charnière de leur vie. Les mesures sanitaires imposées les impacts même grandement. Sommes-nous en train de sacrifier toute une génération? Les cours en ligne conduisent plusieurs jeunes à abandonner leurs études. Selon la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), le taux d’échec dans plusieurs écoles du Québec serait en moyenne de 30%. Nous parlons d’une hausse de 20%.

Ce ne sont pas des caprices ni un manque de volonté ; ils sont en détresse. Pour être disponible aux apprentissages et pour être motivé, l’environnement doit être favorable. Sans quoi, il est biologiquement impossible d’apprendre et de mémoriser de manière optimale. 

Un jeune sous stress et vivant des émotions désagréables verra ses facultés d’apprentissage diminuées. Sans émotions positives, sa motivation sera quasi nulle également. C’est ainsi que le cerveau humain est construit et par-dessus tout, il est construit pour être en relation. En temps ordinaire, un événement stressant est un élément qui conduit un jeune au décrochage scolaire. Depuis le début de la pandémie, c’est un stress chronique que nos jeunes vivent. Certains sont mieux soutenus dans leur milieu ce qui leur permet de mieux composer avec la situation. D’autres n’ont pas ces mêmes conditions propices pour s’adapter : la pauvreté, manque de soutien aux ressources, médicalisation des défis d’apprentissage entre autres exemples soulignés lors de la 2e édition de Journée du Refus de l’Échec Scolaire. Des familles soutenantes avant la pandémie peuvent aussi vivent des moments difficiles et les parents se retrouvent moins disponibles pour leur jeune. Ainsi, plusieurs jeunes ne reçoivent pas le soutien adéquat tant pour leur permettre d’être écoutés dans leurs émotions et leurs besoins tant pour favoriser leur réussite scolaire. Avons-nous pleinement mesuré les conséquences de cette hausse d’échec et d’abandon scolaire? Plusieurs experts mentionnent qu’il serait possible de voir une baisse de diplomation dans les prochaines années à tous les niveaux ; secondaire, cégep et universitaire. Ce ne sont pas seulement les jeunes qui en écoperont mais, toute la société. Nous aurions une génération sacrifiée et un manque de main-d’œuvre qualifiée.

Au-delà de ladite réussite scolaire il y a un enjeu hautement plus crucial et humain ; comment prenons-nous soin de nos jeunes? 

L’impact émotionnel du confinement et des mesures sanitaires est préoccupant. Ces bouleversements émotionnels se traduisent souvent par des comportements chez nos jeunes. Les défis de concentration, l’ennui, l’irritabilité, l’agitation sont parmi les comportements fréquemment remarqués et en hausse depuis le début de la pandémie. Pour supporter ces émotions difficiles, instinctivement bien des jeunes se coupent de leurs ressentis en fuyant vers la cyberdépendance, l’abus d’alcool ou de drogues entre autres. Ainsi, nous assistons également à une hausse de cyberdépendance, d’intoxication aux substances, de troubles alimentaires.

Malheureusement, ces comportements sont souvent traités comme des troubles neurologiques ou comportementaux. La hausse remarquée des diagnostics psychiatriques et de la médicamentation abonde en ce sens ; nous médicalisons les émotions de nos jeunes à défaut de les soutenir. Également, selon une étude réalisée cet automne par l’Université de Sherbrooke, près de 37% des jeunes de 18-24 ans répondent à des critères de dépression majeure ou d’anxiété. Près de la moitié sont inquiets pour leur santé mentale. Selon une étude réalisée par l’Université de Picardie en France, 20% des étudiants ont scénarisé leur suicide! Certains ne se sont pas que contenter de visualiser leur suicide ; ils sont passé à l’acte. Le pire, nous ignorons combien! Le Québec n’est pas bien différent. Il faudra encore plusieurs mois, voire des années pour mesurer le réel impact des mesures sanitaires sur le taux de suicide chez les jeunes.

La souffrance psychique est encore malmenée. Remplie de fausses croyances et le manque de ressources est criant. Au niveau du cerveau, ce sont les mêmes zones de douleur qui s’activent que la souffrance soit physique ou psychologique. Souffrir psychiquement est douloureux physiquement. Par ailleurs, il est rare que nous mourrions physiquement d’une souffrance psychologique mais, c’est une des causes de mortalité prématurée compte tenu de la dégradation des habitudes de vie et de l’état de santé générale. Est-ce ce que nous souhaitons pour nos jeunes?

Collectivement, nous nous esquivons de notre responsabilité face à nos jeunes qui sont vulnérables et en plein développement. Nous négligeons le stress immense auquel nos jeunes doivent faire fassent quotidiennement avec un cerveau encore immature pour y faire face seul. Nous ne voyons plus à quel point, collectivement et individuellement, nous leur faisons violence et que nous faillissions à notre tâche d’adultes en les abandonnant, en les méprisants, en les culpabilisants et en les rendant responsables de propager le virus et de potentiellement causer des décès. Génération d’enfants rois, égoïstes, irresponsables, c’est ainsi que nous avons dépeint notre jeunesse.

Nous avons choisi d’adopter pour une approche punitive et coercitive pernicieuse plutôt que de comprendre ce qui se passe dans le cerveau et dans le cœur de nos jeunes. Nous augmentons leur détresse et involontairement, nous leur causons de la souffrance. Nos jeunes sont gavés de pilules depuis les dernières années. On bourre nos jeunes d’anxiolytiques, de psychostimulants, d’antidépresseurs telle une norme banale acceptée socialement. Nous acceptons que la médication soit presque la réponse exclusive à la détresse sociale et psychologique. La médicalisation était déjà un remède pour l’échec du système scolaire et l’insuffisance des ressources psychologique. Nous n’avions pas préconisé l’approche humaine basée sur la relation d’attachement, l’écoute et l’accueil des émotions. Comme nous avions déjà l’habitude de régler les problématiques rapidement avec une médication, nous ne voyons même plus à quel point la détresse de nos jeunes est accumulée, grande et bien sentie.

Quand cesserons-nous de médicaliser les émotions des jeunes? Quand allons-nous les accompagner et les soutenir dans leur détresse et dans leur souffrance. Quand allons-nous véritablement aller à leur rencontre, à la rencontre de ce qu’ils vivent et à la rencontre de leurs véritables besoins. 

Est-ce que ce mal-être psychique intense est considéré dans les prises de décisions? Est-ce que ces effets sur nos jeunes sont pleinement mesurés dans la balance d’inconvénients? Les inquiétudes permanentes sont sources de stress durable et le sentiment de solitude en soi est une souffrance psychique que nous avons tendance à oublier. Le confinement à la maison qu’impose les cours en ligne est également une agression psychique contre notre nature humaine. Cet isolement social est à la source des problèmes de santé psychologique. Cette détresse psychique augmente le risque de dépression jusqu’à 9 ans après l’isolement social[1].

L’Association des pédiatres a déjà sonner la sonnette d’alarme. Les restrictions sanitaires sont en train de créer de sérieux problèmes chez toute une génération d’ados, a déclaré l’Association des pédiatres du Québec dans un communiqué émis en octobre dernier. Ils parlent carrément d’un « sacrifice générationnel ».

Qu’attendons-nous?

 

Mélanie Ouimet

 

Références :

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7267797/