FREUD ET LE CONCEPT D’OEDIPE

FREUD ET LE CONCEPT D’OEDIPE

Petite histoire sur la création de cette théorieDans les année 1880-1890, un syndrome appelé hystérie était devenu un point central d’investigations sérieuses.Qu’est-ce que l’hystérie?A l’époque, il s’agissait d’un terme courant pas vraiment défini. Une drôle de maladie aux symptômes incohérents et incompréhensibles réservés strictement aux femmes. Le mal prenait donc origine dans l’utérus, d’où le nom hystérie.Le père de l’étude sur l’hystérie était Martin Charcot. Ces études étaient réalisés à la Salpêtrière, un complexe antique hospitalier qui avait servi d’asile. Les patientes étaient des jeunes femmes qui allaient y trouver un refuge pour échapper à la violence, à l’exploitation et aux viols. Elles avaient la protection et elles devenaient en quelques sortes, des célébrités grâce aux démonstrations de Charcot. Avant Charcot, ces femmes étaient considérées comme des fausses malades, quelle avancée! Charcot démontrait que l’hystérie était une grande névrose pour laquelle les symptômes ressemblaient à des lésions neurologiques: paralysie motrice, pertes sensorielles, convulsions, amnésie. Pour ensuite démontrer que ces symptômes étaient psychologiques.Charcot n’avait aucun intérêt pour la vie antérieur de ces femmes. Les émotions, les cris et autres étaient considérés comme « rien ».Freud et Janet étaient deux disciples de Charcot, avec l’ambition d’aller plus loin. Ces deux rivaux ont trouvé qu’il n’était pas suffisant d’observer froidement les patients : il fallait leur parler. Ainsi, leurs recherches, en France pour Janet et à Vienne pour Freud et son collaborateur Breuer, aboutissent à la même conclusion. L’hystérie est causé par un traumatisme psychologique. Des émotions émotionnelles insupportables liés à des événements traumatisants provoquaient un état de conscience modifiée. La dissociation, nommé par Janet. La double conscience, nommé par Freud.Freud et Breuer mentionnaient que les hystériques souffraient essentiellement de réminiscences. Ils découvraient que les symptômes de l’hystérie pouvaient être soignés quand les mémoires traumatiques et les émotions intenses qui les accompagnaient étaient retrouvés et mise en mots. C’est la base de la psychologie moderne. Et Freud nommera plus tard : psychanalyse. Alors que l’une de ces patientes Anna O. le nomma: guérison par la parole.Nous sommes alors dans le milieu des années 1890 !!Freud alla plus loin et suivi le fil conducteur des récits des femmes, ce qui le mena inévitablement à explorer leur vie sexuelle. Freud arrivait de l’école de Charcot et il était impensable que la sexualité puisse être liée à leurs symptômes. C’était une forme d’insulte! Or, ces patientes lui parlaient encore et encore d’agressions sexuelles, de maltraitance et d’inceste. En remontant le fil de leur mémoire, Freud et ses patientes découvraient des événements traumatisants majeurs vécus durant l’enfance dissimulés dans des expériences plus récentes. En 1896, Freud était convaincu d’avoir trouvé la source de l’hystérie.Dans « Étiologie de l’hystérie », il affirma que « j’avance par conséquent la thèse selon laquelle à la base de chaque cas d’hystérie il y a une ou plusieurs occurrences d’une expérience sexuelle prématurée, lesquelles occurrences remontent aux premières années de l’enfance (…). Je crois que ceci est une découverte importante, la découverte d’un Caput Nili de la neuropathologie. »Plus d’un siècle plus tard, cette publication demeure brillante et argumentée n’ayant rien à envier aux publications actuelles sur les effets de la maltraitance sexuelles sur les enfants.Ce qui aurait du être une énorme contribution dans le domaine du traumatisme marqua plutôt la fin de cette voie d’exploration.Freud était de plus en plus troublé par les témoignages de ces patientes. L’hystérie était si répandue parmi les femmes que si ces histoires étaient vraies et que sa théorie était juste, il serait obligé de déduire que ce qu’il nommait « des actes pervers contre des enfants » était quelque chose d’endémique ! Cette violence était répandue non seulement dans le prolétariat de Paris, mais aussi parmi les familles respectables de la bourgeoisie de Vienne. Cette idée était tout à fait inacceptable et intolérable!Face à ce dilemme, Freud arrêta d’écouter ses patientes. Dans son dernier suivi, il reconnaissait le vécu émotionnel de sa patiente mais, il explora le sentiment d’activation érotique de sa patiente, comme démonstration de la satisfaction de ses désirs.Suite à cette fermeture, les patients ont été plus d’un siècle à affronter encore le silence et le mépris – et c’est encore le cas aujourd’hui!Ces sur ces ruines de la théorie de l’hystérie que la psychanalyse fut créé, sur la négation de la réalité des femmes. La psychanalyse devint l’étude des vicissitudes intérieures du fantasme et du désir, dissocié de la réalité de l’expérience. Au début des année 1900, Freud conclut que les récits d’abus sexuels durant l’enfance de ses patientes hystériques n’étaient pas véridiques : « J’ai fini par être obligé d’admettre que ces scènes de séduction n’avaient jamais eu lieu, et qu’elles n’étaient que des fantasmes que mes patientes avaient construits. »L’étude du traumatisme psychologique s’arrêta.La théorie du complexe d’Oedipe a été élaboré par Freud qui était dans un déni rigide et profond de la réalité des violences sexuelles faites sur des enfants. Il désavoua ses patientes. Il insista sur le fait que les femmes imaginaient et souhaitaient les rencontres sexuelles abusives dont elles se plaignaient.À l’époque, Freud était face a un challenge extrême. Persister avec sa théorie d’origine signifiait reconnaître les profondeurs de l’oppression sexuelle des femmes et des enfants. Cela dépassait les limites de la crédibilité sociale. Sa première publication sur l’étiologie de l’hystérie a été accueilli par un silence fort de ses pairs. Aussi convainquant soit-il, sa découverte n’aurait jamais pu être accepté socialement dans ce contexte politique.Les convictions politiques étaient fortes. Son ambition professionnelle également. Il était plus aisé de développer une théorie du développement humain dans laquelle l’infériorité et la fausseté des femmes étaient des points de doctrines. Dans un tel contexte politique anti-féministe, le succès aura été fulgurant- avec les conséquences et répercussions que nous savons et vivons encore aujourd’hui.Encore aujourd’hui, que ce soit via une psychanalyse archaïque et ici, via une parentalité comportementale, sa théorie vit dans notre société avec toutes sortes de croyances sur le développement de l’enfant, la parentalité, les violences éducatives et pire, les violences sexuelles et les traumatismes.Ces informations historiques sont encore difficiles à trouver aujourd’hui, en 2024. L’oppression, le défi, les politiques et le contexte social pèsent énormément pour que le tabou des traumatismes – pas seulement sexuels – demeurent.

 

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme ———————————————-Pour aller plus loin :*Anna O. Sous son propre nom Bertha Pappenheim-Judith Lewis Herman-Breuer et Freud, Studies on hystériques-Freud, lettre à Wilhelm Fliess, du 4 mai 1896-Masson, Assault on Truth

La neurodiversité : un réel atout pour la survie de notre espèce

La neurodiversité : un réel atout pour la survie de notre espèce

Les gènes des neurotypes atypiques persistent dans le patrimoine humain parce qu’ils présentent des avantages évolutifs. Les neurotypes que nous qualifions actuellement de troubles, de déficiences ou même de maladies psychiatriques sont en réalité de véritables facteurs de créativité, d’adaptabilité, de résilience.

 

Les gènes des neurotypes atypiques persistent dans le patrimoine humain parce qu’ils présentent des avantages évolutifs. Les neurotypes que nous qualifions actuellement de troubles, de déficiences ou même de maladies psychiatriques sont en réalité de véritables facteurs de créativité, d’adaptabilité, de résilience.

Lorsque nous regardons sous l’angle de déficit, nous avons tendance à décrire les neurotypes que sous cet angle. Un autiste serait affecté au niveau de la socialisation, un dyslexique au niveau des symboles imprimés, un dyscalculique au niveau des nombres. En réalité, c’est TOUT un modèle complexe alternatif qui vient modifier la manière dont les neurodivergents traitent l’information à tous les niveaux. Nous faisons de graves erreurs lorsque nous considérons que le cerveau des neurodivergents se développe de la même manière que la majorité mais, que leur cerveau fait mal. En réalité, le cerveau établit un modèle divergent de connexions et de circuits cérébraux qui confère un autre type de fonctionnement du cerveau entier.

Dans notre société, nous avons, au fils des années, mis de l’avant certaines caractéristiques, certains modes de fonctionnement, certaines disciplines et facultés, certains modes d’apprentissages qui sont valorisés. Dans l’enseignement par exemple, le verbe est prioritaire alors qu’il existe une plurialité d’autres aptitudes qui servent notre collectivité et qui sont toutes aussi importantes.

Dans les années 80, Norman Geschwind a été le premier à suggérer que lorsque qu’un éventail assez grand d’individus possédant des particularités identifiées comme des déficits, il est essentiel de se demander s’il n’y aurait pas des avantages compensatoires[1]. Ainsi, il voit dans ces particularités non pas des déficits mais, des avantages évolutifs à l’espèce humaine. C’est ce même raisonnement que j’ai fait initialement pour l’autisme et par la suite, pour les autres neurotypes. La question n’est pas de noter des différences cérébrales en termes d’anomalies, mais bien de les observer avec ce questionnement : pourquoi ces cerveaux sont branchés de cette manière particulière? Le cerveau doit être observé dans son intégralité pour comprendre comment les connexions neuronales sont connectées pour conférer un fonctionnement particulier avec des avantages considérables pour l’espèce humaine. Les défis observables chez les personnes neurodivergentes ne sont pas les principales caractéristiques de la condition. Ils sont en fait le résultat d’un modèle d’organisation cérébrale totalement divergent de la norme et d’un traitement de l’information perceptif particulier.

Des psychologues de l’Université de Cambridge ont démontré que les dyslexiques étaient particulièrement doués pour explorer leur environnement et s’y adapter. Ces capacités d’exploration et d’adaptation sont un atout important pour la survie ce qui aurait joué un rôle important au sein de l’évolution de l’espèce humaine. Les auteurs émettent l’hypothèse que « les attributs cognitifs propres aux individus dyslexiques sont des caractéristiques pour lesquelles ils ont été sélectionnés par la nature. » Les dyslexiques ont des capacités visuo-spatiales globales[2], y compris la capacité d’identifier des « objets impossibles », c’est-à-dire la représentation d’une construction fictive d’un objet contraire aux lois physiques connues de la nature, comme le triangle de Penrose, le blivet ou l’Étoile d’Escher. Ils ont aussi des habiletés pour traiter des scènes visuelles en basse définition ou floues[3]. Ils perçoivent également les informations visuelles périphériques plus rapidement que les non-dyslexiques[4]. De tels atouts peuvent être utiles dans des domaines nécessitant une réflexion tridimensionnelle comme l’astrophysique, la biologique moléculaire, l’infographie, l’ingénierie, la génétique.

Les autistes ont des forces reliées avec des patterns ce qui est un atout au travail pour l’informatique, les systèmes mathématiques entre autres. Ils ont également des habiletés pour identifier des détails minuscules dans des modèles complexes[5]. Par ailleurs, ils obtiennent des scores significativement plus élevés au test d’intelligence non verbal des matrices de Raven qu’aux échelles verbales de Wechsler[6], ce qui implique des forces perceptives.

Toutes ces forces ont une explication évolutive de la raison de l’existence de toute cette diversité neurologique, autant passée que présente. Également, la pensée tridimensionnelle des dyslexiques aurait été adaptative pour les cultures pré-alphabétisées pour concevoir des outils, tracer des itinéraires de chasse, construire des abris. Les comportements d’impulsivité, de distractibilité et d’hyperactivité aidaient nos ancêtres à trouver de la nourriture ou à percevoir rapidement un danger et avertir le reste du clan. Comment ces atouts auraient-ils pu être considérés comme des troubles d’apprentissages à cette époque? Tout ne devient-il pas une question de contexte, de culture, de besoin, de norme sociale?

Également, notre société tend à penser et à fonctionner de manière individualiste. Cela se reflète également lorsque nous remarquons qu’une personne rencontre des difficultés ; ces défis lui son propre et son cerveau est dysfonctionnel. Au niveau de la recherche cognitive, il serait pertinent d’adopter une autre perspective que celle individuelle. Les humains sont interdépendants les uns des autres. Nous sommes des mammifères et nous vivons en groupe. Lorsque nous regardons la diversité cognitive au sein du groupe, nous pouvons y voir tous les avantages des intelligences multiples. La diversité a assuré notre survie au fil des années et continue de le faire à l’heure actuelle. Les intelligences multiples forment notre intelligence collective qui est assurément au cœur de notre capacité d’adaptation phénoménale. Vouloir supprimer, corriger, modifier, normaliser la pensée divergente serait un réel désavantage pour notre espèce humain qui deviendrait progressivement moins adaptative alors que nous devons affrontés constamment de nombreux défis existentiels, l’adaptabilité est essentielle.

 

Mélanie Ouimet

 

Références :

[1] Geschwind, N. (1982). Pourquoi Orton avait raison. Anne. Dyslexie 32, 13–30

[2] von Károlyi C, Vainqueur E, Gray W, Sherman GF. Dyslexie liée au talent : capacité visuo-spatiale globale. Cerveau Lang . 2003;85(3):427-431

[3] Schneps MH, Brockmole JR, Sonnert G, Pomplun M. Histoire des difficultés de lecture liées à un apprentissage amélioré dans des scènes à basse fréquence spatiale.  PLoS ONE . 2012;7(4):e35724

[4] Geiger G, Cattaneo C, Galli R, et al. Des modes perceptuels larges et diffus caractérisent les dyslexiques de la vision et de l’audition. Perception . 2008;37(11):1745-1764

[5] Baron-Cohen S, Ashwin E, Ashwin C, Tavassoli T, Chakrabarti B. Talent dans l’autisme : hyper-systématisation, hyper-attention aux détails et hypersensibilité sensorielle. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci . 2009;364(1522):1377-1383.

[6] Mottron L. Changer les perceptions : le pouvoir de l’autisme. Nature . 2011;479(7371):33-35

 

L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

Le trouble d’opposition avec ou sans provocation ne devrait pas être une étiquette pour décrire les jeunes ni un diagnostic psychiatrique que nous devrions leur imposer. Certes, il s’agit de comportements qui peuvent être très difficiles et très intenses à gérer, surtout lorsque ces comportements deviennent chroniques. Par contre, comme pour chaque comportement, il s’agit d’un langage affectif. Il est essentiel de comprendre ce qui motive l’opposition et la provocation qui peuvent avoir plusieurs motivations.

Un enfant ou un adolescent qui s’oppose ne cherche pas à nous provoquer ni à nous faire suer. Il cherche avant tout à s’affirmer. Souvent, cette affirmation de soi est très maladroite. Les enfants peuvent frapper, mordre, cracher, donner un coup de pied dans le tibia, les adolescents peuvent nous insulter, frapper dans le cadre de porte. La force de frustration est puissante et la rage ressentie est intense. C’est difficile, voire impossible pour les jeunes de s’exprimer verbalement et de mettre en mots ce qu’ils ressentent.

Parfois, que ce soit à la maison ou à l’école, la consigne demandée n’est simplement pas comprise ou elle peut générer des émotions désagréables chez particulièrement chez les jeunes neuroatypiques. Les enfants peuvent se sentir contraints, ils peuvent bloquer, figer sur place, argumenter, s’opposer. La consigne doit faire du sens pour ces enfants, c’est primordial. Ils peuvent avoir besoin d’explications supplémentaires, que la consigne soit très explicite, que les raisons de cette consigne soient claires.

Il arrive que la consigne ne fasse jamais sens pour l’enfant. Par exemple, au niveau des codes sociaux comme la politesse : dire bonjour, dire merci, dire au revoir, ne pas parler trop fort, sourire en retour, rester à table jusqu’à ce que tous aient terminé, regarder sans les yeux, faire la bise, faire un câlin, faire une poignée de main. Rappelons ici qu’il s’agit de codes et de normes sociales avant tout. Tout est donc relatif à la société, à la culture, à l’époque. Et surtout, les codes sociaux ne sont qu’une parure, qu’une forme pour vivre en société de manière harmonieuse et respectueuse – en superficie. Si cela n’est que parure, qu’un bien paraître, quel est le sens? Faire semblant? Pourquoi? Si cela n’est pas sincère et ressenti, pourquoi jouer la comédie? Pourquoi ne pas affirmer ses vrais sentiments? Les neuroatypiques détectent ce qui est faux, ce qui est vide, ce qui n’est qu’apparences. Ils se sentent floués, inconfortables, perdus, trahis. L’intégrité est également très importante. Alors pourquoi dire bonjour juste par politesse si ce n’est pas senti? Pourquoi dire merci quand nous ne sommes pas contents? Pourquoi faire un câlin si nous n’en avons pas envie? Dur dur tous ces non-sens!

Puis, vous êtes-vous déjà demandé ce que vos propres demandes ou phrases peuvent avoir comme réactions émotionnelles chez votre enfant : « Restes sage! », « Ne bouge pas », « Restes assis et ne parle pas », « Fais-moi pas honte », « Ne me fais pas de crises ». Et lorsque vous vous exprimez sous forme d’ordres plutôt que demandes à votre enfant : « Range ta chambre immédiatement », « Vas faire tes devoirs! », « Habilles-toi rapidement, on part maintenant! ». L’enfant se sent contraint. Il peut se sentir littéralement comme un objet plutôt que comme un être humain. Il peut percevoir ces phrases, ces ordres comme de la provocation ou comme un affront. Ces phrases activent les régions primitives de son cerveau. Il est normal qu’il réagisse par attaque, fuite ou immobilisation. Et via l’attaque comme l’opposition, il souhaite s’affirmer, protéger son intégrité. Il a besoin d’être considéré.

Lorsque les défis d’opposition sont chroniques chez un jeune, la réaction au stress est une piste à explorer. La neuroception, c’est-à-dire la capacité du cerveau à détecter un danger ou une menace, s’active et provoque des réactions défensives même si le danger ou la menace n’est pas imminente. Notre cerveau détecte automatiquement et de manière subconsciente le danger lors de situations courantes de la vie. Parfois, selon différentes situations, selon la perception, la sensibilité, la maturité cérébrale, le jeune est dans une réaction de stress. Le système nerveux de l’enfant réagit et place l’enfant involontairement dans une posture défensive qui entraîne une multitude de comportements difficiles dont l’opposition.

Les neurodivergents étant de personnes hypersensibles se retrouvent souvent dans un état de stress ; ils perçoivent énormément de stimuli et un stimuli est un stresseur. C’est très insécurisant. C’est une des raisons pourquoi des comportements d’opposition et de provocation sont souvent observées chez les enfants et les adolescents neurodivergents. Ces jeunes se sentent souvent impuissants et hors de contrôle, ce qui déclenche aisément des réactions défensives. À cela s’ajoute tous les autres facteurs environnementaux anxiogènes comme des conflits familiaux, un deuil, un déménagement, de l’intimidation, de la violence familiale ou scolaire, un traumatisme. Il y a tant de facteurs stressants qui peuvent amener un enfant à réagir de manière défensive. C’est pourquoi, si nous souhaitons apporter un soutien approprié et bienveillant, il est essentiel d’aller à la source. Et pour chacun des enfants, ce sera différent.

Les méthodes de gestion du comportement général ne sont généralement pas appropriées. Tout d’abord, celles-ci sont généralistes et ne tiennent que rarement compte de la situation unique de l’enfant. Ensuite, c’est le comportement qui est visé et non tout l’aspect émotionnel. Les plans d’interventions cherchent à éliminer le comportement dérangeant, à récompenser les comportements attendus, à ignorer le jeune, à retirer des objets ou des activités plaisantes pour l’enfant lorsque celui-ci se comporte mal. Souvent, même un traitement médicamenteux est utilisé. Ces techniques comportementales reposent sur le principe que l’enfant a un contrôle sur ces comportements. Alors que ce n’est pas le cas. L’enfant réagit ainsi involontairement et par instinct de survie. Cela ne signifie pas non plus que son cerveau est défectueux, bien au contraire.

Lorsque nous sommes sous stress et que notre cerveau réagit, il y a trois possibilités : l’attaque, la fuite ou le figement. Ainsi, les comportements d’opposition et de provocation ne sont que l’expression d’une réponse à un danger : l’attaque. Il ne s’agit aucunement d’une mauvaise conduite volontaire ni d’un trouble psychiatrique. Les jeunes ne font pas exprès. Ils n’ont aucunement l’intention de nous faire suer.

Lorsque nous optons pour des techniques comportementales telles qu’énumérées ci-haut, nous plaçons le jeune dans une détresse supplémentaire. Son cerveau nous perçoit comme une menace supplémentaire et son sentiment d’insécurité augmente. Nous voilà dans un cycle vicieux.

Un jeune qui est constamment en défiance oppositionnel a surtout besoin de lien d’attachement avec l’adulte. Un lien dans lequel l’adulte lui apportera compréhension, soutien, confiance, ouverture et la sécurité émotionnelle dont il a tant besoin pour se déposer et s’ouvrir sur sa vulnérabilité et sa détresse. Se sentir en sécurité est un grand besoin chez les jeunes neurodivergents et cela prend énormément de temps pour construire ce sentiment à l’intérieur de soi.

 

Mélanie Ouimet

La parentalité proximale n’est pas une forme de laxisme

La parentalité proximale n’est pas une forme de laxisme

La parentalité proximale est souvent amalgamée ou confondue avec une certaine forme de laxisme.

 

Le laxisme serait une forme de parentalité qui s’apparente au « laisser-aller ». Le parent devrait répondre à toutes les demandes de l’enfant et lui éviter toute forme de frustration. Un système dans lequel l’enfant n’aurait aucune limite.

La parentalité proximale signifie de répondre, autant que possible, aux besoins fondamentaux primaires des tout-petits : succion, attachement, proximité, sécurité, affection, tendresse, amour. 

L’enfant bénéficie d’un cadre sécuritaire et défini dans lequel il a autant de liberté que possible pour explorer, créer, bouger, toucher afin de favoriser son développement moteur, intellectuel et émotionnel. Les parents misent également sur la capacité innée des enfants à s’auto-discipliner lorsqu’ils sont considérés et respectés. La parentalité proximale prend également en considération le développement affectif et social de l’enfant. Ainsi, il n’est aucunement suggéré que nous devons accepter tous les comportements et demandes des enfants.

Prenons cet exemple. Un enfant souhaite avoir un gâteau au chocolat pour le souper. Le parent lui refuse en lui expliquant pourquoi. L’enfant pourra exploser de colère suivant ce refus. Un parent laxisme voudrait éviter que l’enfant fasse une crise, soit pour lui éviter une souffrance soit pour s’éviter à lui-même de faire face à la crise de l’enfant qui peut être très difficile à contenir.

À l’inverse, la parentalité proximale permet de reconnaître le sentiment de l’enfant : la frustration. La frustration n’est pas un caprice!

Les refus entrainent beaucoup de frustration, particulièrement chez le jeune enfant. Suivant son développement affectif, celui-ci est bouleversé par les contraintes et la force de sa frustration est particulièrement intense et violente. Certains gestes inacceptables peuvent également déferler. En aucun cas la violence doit être acceptée par le parent. Cependant, le parent peut arrêter doucement les gestes impulsifs de l’enfant, sans mettre d’emphase négative sur ceux-ci. Le cerveau d’un enfant est encore immature et seul, l’enfant ne peut arriver à maîtriser sa frustration. Il a besoin de la présence sécurisante d’un adulte qui le reconnaîtra dans sa frustration et le mènera progressivement vers la tristesse, les larmes et l’acceptation, donc progressivement vers le chemin de la résilience.

Accompagner l’enfant à traverser sa frustration n’est pas de répondre à un caprice mais bien de répondre à un besoin émotionnel.

Par ailleurs, l’amalgame entre parentalité proximale et « un enfant roi » est souvent faite. Nous confondons ici également deux éléments qui sont pourtant bien différents. Un enfant roi est un enfant qui n’a malheureusement pas connu suffisamment de frustration et de connexion bienveillante et empathique avec les adultes qui l’accompagnent. Ainsi, ce n’est pas le parentage de proximité qui crée l’enfant roi mais bien le fait d’éviter toutes frustrations à l’enfant et surtout, de ne pas être à l’écoute des véritables besoins qu’il tente d’exprimer maladroitement.

« L’amour, c’est du carburant pour nos enfants » pour reprendre la phrase culte d’Isabelle Filliozat.

Nous croyons souvent que l’enfant « roi » est un enfant qui a reçu tout ce dont il avait besoin, qu’il a même été gavé d’amour puisque tous ses désirs ont été comblés. Mais, c’est une erreur! Un enfant roi n’est pas un enfant choyé et rempli d’amour, bien au contraire. Par ses demandes exigeantes, l’enfant « roi » exprime des manques, principalement des carences affectives. Par exemple, lorsque ce dernier affirme qu’il veut un nouveau jouet et qu’il fait une énorme crise, bien que cela calmera la crise, lui acheter ce jouet ne va pas combler son véritable besoin cacher derrière sa demande. La racine de ses incessantes demandes est souvent le manque de relation affective. Il n’a donc pas besoin d’une discipline plus ferme mais d’être entendu et compris. Il a besoin d’être en relation affective avec les adultes qui en prennent soin. Il a besoin d’amour… Ne mélangeons pas le besoin d’amour avec satisfaction de tous les désirs!

Tristement, nous en sommes venus à croire qu’un enfant peut devenir « gâté pourrit » si nous répondons à ses besoins affectifs. Nous ne le répèterons jamais assez, un enfant NE PEUT PAS être gavé d’amour.  

 

Mélanie Ouimet

La neurodiversité : une utopie qui masque la souffrance?

La neurodiversité : une utopie qui masque la souffrance?

Célébrer la neurodiversité, la diversité humaine, l’intelligence sous toutes ses formes : la diversité du cerveau, corps et esprit humain, avec ses souffrances et blessures, avec ses couleurs et lumières.    

 

Une des critiques négatives envers le concept de la neurodiversité est que celui-ci est élitisme et ne s’adresse qu’aux personnes ayant un bon niveau de fonctionnement social. En ce qui a trait à l’autisme particulièrement, cette critique revient souvent soi-disant que la neurodiversité s’adresse seulement aux autistes « hautement fonctionnels ». Il est reproché d’oublier et d’exclure les autistes de « bas niveau », voire de ne parler que pour une « race supérieure » d’autistes. En somme, le concept négligerait ceux ayant un « véritable » trouble et un « véritable » handicap. Cette croyance ne pourrait être plus qu’infondée! Il est important de spécifier d’emblée que la neurodiversité est inclusive. L’humanité est neurodiverse comme l’humanité est raciale, culturelles, ethnique. 

La neurodiversité ne catégorise pas les êtres humains en termes de maladies mentales, de troubles neurologiques, de déficits ou d’anormalité. 

La neurodiversité favorise l’épanouissement de chaque être humain, dans le respect de sa singularité, en lui apportant l’aide et un soutien véritables basés avant tout sur la relation humaine et selon ses besoins qui lui sont propres.  Actuellement, la tendance populaire pour expliquer les troubles psychiatriques est basée principalement sur le cerveau de la personne : le cerveau est fonctionnel ou dysfonctionnel. En somme, la psychiatrie utilise les neurosciences cognitives pour expliquer les « symptômes » d’une personne. Or, un être humain ne pourra jamais être réduit qu’à son cerveau. Le cerveau est complexe et surtout, il est en interaction constante avec l’entièreté du corps humain. 

La neurodiversité est un concept qui se base sur les neurosciences – pas seulement sur le cognitif. Les neurosciences englobent les disciplines étudiants le système nerveux ainsi que l’anatomie et les maladies qui peuvent en découler. Les neurosciences sont donc un champ transdisciplinaire faisant appel à une diversité d’approches afin de considérer l’être humain dans son intégralité. 

Ainsi, lorsque nous abordons le concept de la neurodiversité, en aucun cas il s’agit de masquer la souffrance comme si elle n’existait pas, mais bien d’une part, apporter une meilleure compréhension de la diversité humaine. L’excentricité, l’intensité, l’originalité, l’hypersensibilité, l’intériorité, la spontanéité ne sont pas des maladies! Dans cette même optique, c’est de donner un sens aux comportements. Les comportements, les réactions et les émotions humaines qui ressortent de la norme et qui semblent parfois incompréhensibles et qui effraient la majorité ne sont pas nécessairement le signe d’un trouble immuable ni d’un dysfonctionnel cérébral[1]. Par exemple, l’autisme se caractériserait par une plasticité modale-croisée[2], c’est-à-dire une réorganisation des aires cérébrales qui confèrerait un fonctionnement perceptif préférentiel comparativement à un fonctionnement préférentiellement social. Il s’agit d’une variante neurologique minoritaire naturelle. Lorsque certains comportements perturbants surviennent ou qu’une souffrance qui semble sans retour s’installe, la « cause » n’est pas ce fonctionnement perceptif à proprement parler, mais bien la résultante de plusieurs situations externes vécues par la personne.

Pour comprendre le sens des comportements ou de la souffrance, il est impératif de considérer l’être humain dans un système complexe et dynamique et de concevoir les comportements comme étant une réaction physiologique « normale » et non comme une réaction conséquente à un trouble, à une maladie mentale contre laquelle nous devons nous battre. 

À l’inverse de la tendance psychiatrique actuelle, la neurodiversité ne masque pas la souffrance humaine sous l’appellation « trouble neurologique » – d’un cerveau dysfonctionnel. Il est essentiel de reconnaître ce qui ne va pas, sans toutefois le pathologiser ni en laissant la personne avec la problématique. La neurodiversité met sans masque ni tabou cette souffrance en lumière pour apporter un véritable soutien à la personne afin de permettre à celle-ci de la vivre et de la traverser pleinement en toute sécurité. La neurodiversité s’oppose au conformiste d’une société normalisante qui détruit tout ce qui fait de nous des êtres humains et qui semble avoir perdue de vue au fil du temps les besoins essentiels des humains: se sentir inclut, vu, reconnu, compris, connecté.

Célébrer la richesse de l’être humain. La force de sa diversité naturelle. Sa capacité singulière et souvent incomprise d’adaptation dans l’adversité, même la plus hostile. La complexité de ses systèmes qui interagissent ensemble, avec les autres et avec l’environnement. Célébrer l’être humain, un être fondamentalement social dont ses joies, ses peines, ses déceptions, ses réussites, ses attentes, ses angoisses, ses souffrances, sa résilience ne seront jamais réductibles qu’à un cerveau « normal » ou « dysfonctionnel » pas plus qu’à des mesures neurobiologiques. 

La neurodiversité est une forme d’élitisme selon certains. Mais, l’élitisme ne serait pas plutôt de faire croire à certaines personnes qu’elles ont un trouble et ainsi leur enlever tout pouvoir sur leur vie personnelle? Le concept de la neurodiversité n’est pas que réservé aux personnes « hautement fonctionnelles » de la société. Le concept de la neurodiversité n’est pas un nouveau paradigme qui servira à masquer la détresse et la souffrance humaine, comme le fait le paradigme médical actuel en nommant ces défis : troubles psychiatriques. Dépsychiatriser ces comportements ne revient pas à dire que nous devons accepter la personne comme elle est en la laissant dans une détresse ou en la laissant avoir des comportements potentiellement dangereux pour elle comme pour son entourage. Il s’agit d’apporter un sens à ses comportements, d’en trouver la racine profonde afin qu’elle puisse retrouver sa pleine autonomie. La neurodiversité, c’est en soi repenser l’organisme vivant en tant que systèmes complexes interagissant ensemble pour former un tout indissociable. La neurodiversité, c’est de concevoir la souffrance psychique de manière totalement différente que ce que l’industrie pharmacologique propose et d’amener une vision humanisme pour redonner le pouvoir et l’autonomie à chaque être humain.

 

Mélanie Ouimet

Références :

[1] À titre d’exemple : http://neuromanite.com/2019/10/28/troubles-graves-du-comportement-ou-mecanismes-dadaptation-mal-compris-partie-1/

[2] Barbeau, E.B., Lewis, J.D., Doyon, J., Benali, H., Zeffiro, T.A., & Mot- tron, L. (2015) A Greater Involve- ment of Posterior Brain Areas in Interhemispheric Transfer in Au- tism: fMRI, DWI and behavioral evidences. NeuroImage:Clinical 8: 267–280 [/pl_text] [/pl_col] [/pl_row]