L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

Le trouble d’opposition avec ou sans provocation ne devrait pas être une étiquette pour décrire les jeunes ni un diagnostic psychiatrique que nous devrions leur imposer. Certes, il s’agit de comportements qui peuvent être très difficiles et très intenses à gérer, surtout lorsque ces comportements deviennent chroniques. Par contre, comme pour chaque comportement, il s’agit d’un langage affectif. Il est essentiel de comprendre ce qui motive l’opposition et la provocation qui peuvent avoir plusieurs motivations.

Un enfant ou un adolescent qui s’oppose ne cherche pas à nous provoquer ni à nous faire suer. Il cherche avant tout à s’affirmer. Souvent, cette affirmation de soi est très maladroite. Les enfants peuvent frapper, mordre, cracher, donner un coup de pied dans le tibia, les adolescents peuvent nous insulter, frapper dans le cadre de porte. La force de frustration est puissante et la rage ressentie est intense. C’est difficile, voire impossible pour les jeunes de s’exprimer verbalement et de mettre en mots ce qu’ils ressentent.

Parfois, que ce soit à la maison ou à l’école, la consigne demandée n’est simplement pas comprise ou elle peut générer des émotions désagréables chez particulièrement chez les jeunes neuroatypiques. Les enfants peuvent se sentir contraints, ils peuvent bloquer, figer sur place, argumenter, s’opposer. La consigne doit faire du sens pour ces enfants, c’est primordial. Ils peuvent avoir besoin d’explications supplémentaires, que la consigne soit très explicite, que les raisons de cette consigne soient claires.

Il arrive que la consigne ne fasse jamais sens pour l’enfant. Par exemple, au niveau des codes sociaux comme la politesse : dire bonjour, dire merci, dire au revoir, ne pas parler trop fort, sourire en retour, rester à table jusqu’à ce que tous aient terminé, regarder sans les yeux, faire la bise, faire un câlin, faire une poignée de main. Rappelons ici qu’il s’agit de codes et de normes sociales avant tout. Tout est donc relatif à la société, à la culture, à l’époque. Et surtout, les codes sociaux ne sont qu’une parure, qu’une forme pour vivre en société de manière harmonieuse et respectueuse – en superficie. Si cela n’est que parure, qu’un bien paraître, quel est le sens? Faire semblant? Pourquoi? Si cela n’est pas sincère et ressenti, pourquoi jouer la comédie? Pourquoi ne pas affirmer ses vrais sentiments? Les neuroatypiques détectent ce qui est faux, ce qui est vide, ce qui n’est qu’apparences. Ils se sentent floués, inconfortables, perdus, trahis. L’intégrité est également très importante. Alors pourquoi dire bonjour juste par politesse si ce n’est pas senti? Pourquoi dire merci quand nous ne sommes pas contents? Pourquoi faire un câlin si nous n’en avons pas envie? Dur dur tous ces non-sens!

Puis, vous êtes-vous déjà demandé ce que vos propres demandes ou phrases peuvent avoir comme réactions émotionnelles chez votre enfant : « Restes sage! », « Ne bouge pas », « Restes assis et ne parle pas », « Fais-moi pas honte », « Ne me fais pas de crises ». Et lorsque vous vous exprimez sous forme d’ordres plutôt que demandes à votre enfant : « Range ta chambre immédiatement », « Vas faire tes devoirs! », « Habilles-toi rapidement, on part maintenant! ». L’enfant se sent contraint. Il peut se sentir littéralement comme un objet plutôt que comme un être humain. Il peut percevoir ces phrases, ces ordres comme de la provocation ou comme un affront. Ces phrases activent les régions primitives de son cerveau. Il est normal qu’il réagisse par attaque, fuite ou immobilisation. Et via l’attaque comme l’opposition, il souhaite s’affirmer, protéger son intégrité. Il a besoin d’être considéré.

Lorsque les défis d’opposition sont chroniques chez un jeune, la réaction au stress est une piste à explorer. La neuroception, c’est-à-dire la capacité du cerveau à détecter un danger ou une menace, s’active et provoque des réactions défensives même si le danger ou la menace n’est pas imminente. Notre cerveau détecte automatiquement et de manière subconsciente le danger lors de situations courantes de la vie. Parfois, selon différentes situations, selon la perception, la sensibilité, la maturité cérébrale, le jeune est dans une réaction de stress. Le système nerveux de l’enfant réagit et place l’enfant involontairement dans une posture défensive qui entraîne une multitude de comportements difficiles dont l’opposition.

Les neurodivergents étant de personnes hypersensibles se retrouvent souvent dans un état de stress ; ils perçoivent énormément de stimuli et un stimuli est un stresseur. C’est très insécurisant. C’est une des raisons pourquoi des comportements d’opposition et de provocation sont souvent observées chez les enfants et les adolescents neurodivergents. Ces jeunes se sentent souvent impuissants et hors de contrôle, ce qui déclenche aisément des réactions défensives. À cela s’ajoute tous les autres facteurs environnementaux anxiogènes comme des conflits familiaux, un deuil, un déménagement, de l’intimidation, de la violence familiale ou scolaire, un traumatisme. Il y a tant de facteurs stressants qui peuvent amener un enfant à réagir de manière défensive. C’est pourquoi, si nous souhaitons apporter un soutien approprié et bienveillant, il est essentiel d’aller à la source. Et pour chacun des enfants, ce sera différent.

Les méthodes de gestion du comportement général ne sont généralement pas appropriées. Tout d’abord, celles-ci sont généralistes et ne tiennent que rarement compte de la situation unique de l’enfant. Ensuite, c’est le comportement qui est visé et non tout l’aspect émotionnel. Les plans d’interventions cherchent à éliminer le comportement dérangeant, à récompenser les comportements attendus, à ignorer le jeune, à retirer des objets ou des activités plaisantes pour l’enfant lorsque celui-ci se comporte mal. Souvent, même un traitement médicamenteux est utilisé. Ces techniques comportementales reposent sur le principe que l’enfant a un contrôle sur ces comportements. Alors que ce n’est pas le cas. L’enfant réagit ainsi involontairement et par instinct de survie. Cela ne signifie pas non plus que son cerveau est défectueux, bien au contraire.

Lorsque nous sommes sous stress et que notre cerveau réagit, il y a trois possibilités : l’attaque, la fuite ou le figement. Ainsi, les comportements d’opposition et de provocation ne sont que l’expression d’une réponse à un danger : l’attaque. Il ne s’agit aucunement d’une mauvaise conduite volontaire ni d’un trouble psychiatrique. Les jeunes ne font pas exprès. Ils n’ont aucunement l’intention de nous faire suer.

Lorsque nous optons pour des techniques comportementales telles qu’énumérées ci-haut, nous plaçons le jeune dans une détresse supplémentaire. Son cerveau nous perçoit comme une menace supplémentaire et son sentiment d’insécurité augmente. Nous voilà dans un cycle vicieux.

Un jeune qui est constamment en défiance oppositionnel a surtout besoin de lien d’attachement avec l’adulte. Un lien dans lequel l’adulte lui apportera compréhension, soutien, confiance, ouverture et la sécurité émotionnelle dont il a tant besoin pour se déposer et s’ouvrir sur sa vulnérabilité et sa détresse. Se sentir en sécurité est un grand besoin chez les jeunes neurodivergents et cela prend énormément de temps pour construire ce sentiment à l’intérieur de soi.

 

Mélanie Ouimet

La parentalité proximale n’est pas une forme de laxisme

La parentalité proximale n’est pas une forme de laxisme

La parentalité proximale est souvent amalgamée ou confondue avec une certaine forme de laxisme.

 

Le laxisme serait une forme de parentalité qui s’apparente au « laisser-aller ». Le parent devrait répondre à toutes les demandes de l’enfant et lui éviter toute forme de frustration. Un système dans lequel l’enfant n’aurait aucune limite.

La parentalité proximale signifie de répondre, autant que possible, aux besoins fondamentaux primaires des tout-petits : succion, attachement, proximité, sécurité, affection, tendresse, amour. 

L’enfant bénéficie d’un cadre sécuritaire et défini dans lequel il a autant de liberté que possible pour explorer, créer, bouger, toucher afin de favoriser son développement moteur, intellectuel et émotionnel. Les parents misent également sur la capacité innée des enfants à s’auto-discipliner lorsqu’ils sont considérés et respectés. La parentalité proximale prend également en considération le développement affectif et social de l’enfant. Ainsi, il n’est aucunement suggéré que nous devons accepter tous les comportements et demandes des enfants.

Prenons cet exemple. Un enfant souhaite avoir un gâteau au chocolat pour le souper. Le parent lui refuse en lui expliquant pourquoi. L’enfant pourra exploser de colère suivant ce refus. Un parent laxisme voudrait éviter que l’enfant fasse une crise, soit pour lui éviter une souffrance soit pour s’éviter à lui-même de faire face à la crise de l’enfant qui peut être très difficile à contenir.

À l’inverse, la parentalité proximale permet de reconnaître le sentiment de l’enfant : la frustration. La frustration n’est pas un caprice!

Les refus entrainent beaucoup de frustration, particulièrement chez le jeune enfant. Suivant son développement affectif, celui-ci est bouleversé par les contraintes et la force de sa frustration est particulièrement intense et violente. Certains gestes inacceptables peuvent également déferler. En aucun cas la violence doit être acceptée par le parent. Cependant, le parent peut arrêter doucement les gestes impulsifs de l’enfant, sans mettre d’emphase négative sur ceux-ci. Le cerveau d’un enfant est encore immature et seul, l’enfant ne peut arriver à maîtriser sa frustration. Il a besoin de la présence sécurisante d’un adulte qui le reconnaîtra dans sa frustration et le mènera progressivement vers la tristesse, les larmes et l’acceptation, donc progressivement vers le chemin de la résilience.

Accompagner l’enfant à traverser sa frustration n’est pas de répondre à un caprice mais bien de répondre à un besoin émotionnel.

Par ailleurs, l’amalgame entre parentalité proximale et « un enfant roi » est souvent faite. Nous confondons ici également deux éléments qui sont pourtant bien différents. Un enfant roi est un enfant qui n’a malheureusement pas connu suffisamment de frustration et de connexion bienveillante et empathique avec les adultes qui l’accompagnent. Ainsi, ce n’est pas le parentage de proximité qui crée l’enfant roi mais bien le fait d’éviter toutes frustrations à l’enfant et surtout, de ne pas être à l’écoute des véritables besoins qu’il tente d’exprimer maladroitement.

« L’amour, c’est du carburant pour nos enfants » pour reprendre la phrase culte d’Isabelle Filliozat.

Nous croyons souvent que l’enfant « roi » est un enfant qui a reçu tout ce dont il avait besoin, qu’il a même été gavé d’amour puisque tous ses désirs ont été comblés. Mais, c’est une erreur! Un enfant roi n’est pas un enfant choyé et rempli d’amour, bien au contraire. Par ses demandes exigeantes, l’enfant « roi » exprime des manques, principalement des carences affectives. Par exemple, lorsque ce dernier affirme qu’il veut un nouveau jouet et qu’il fait une énorme crise, bien que cela calmera la crise, lui acheter ce jouet ne va pas combler son véritable besoin cacher derrière sa demande. La racine de ses incessantes demandes est souvent le manque de relation affective. Il n’a donc pas besoin d’une discipline plus ferme mais d’être entendu et compris. Il a besoin d’être en relation affective avec les adultes qui en prennent soin. Il a besoin d’amour… Ne mélangeons pas le besoin d’amour avec satisfaction de tous les désirs!

Tristement, nous en sommes venus à croire qu’un enfant peut devenir « gâté pourrit » si nous répondons à ses besoins affectifs. Nous ne le répèterons jamais assez, un enfant NE PEUT PAS être gavé d’amour.  

 

Mélanie Ouimet

Nos jeunes sont en détresse

Nos jeunes sont en détresse

Depuis le début de la pandémie, nos quotidiens ont été chamboulés. Au fil des mois, l’incertitude sur l’avenir s’accentue et le stress devient chronique pour plusieurs d’entre nous. C’est tout à fait normal compte tenu ce que nous vivons.  

Les jeunes n’en sont pas épargnés. Ils font d’ailleurs partie des êtres humains plus vulnérables ; ils sont en plein développement et ils sont dans une période charnière de leur vie. Les mesures sanitaires imposées les impacts même grandement. Sommes-nous en train de sacrifier toute une génération? Les cours en ligne conduisent plusieurs jeunes à abandonner leurs études. Selon la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), le taux d’échec dans plusieurs écoles du Québec serait en moyenne de 30%. Nous parlons d’une hausse de 20%.

Ce ne sont pas des caprices ni un manque de volonté ; ils sont en détresse. Pour être disponible aux apprentissages et pour être motivé, l’environnement doit être favorable. Sans quoi, il est biologiquement impossible d’apprendre et de mémoriser de manière optimale. 

Un jeune sous stress et vivant des émotions désagréables verra ses facultés d’apprentissage diminuées. Sans émotions positives, sa motivation sera quasi nulle également. C’est ainsi que le cerveau humain est construit et par-dessus tout, il est construit pour être en relation. En temps ordinaire, un événement stressant est un élément qui conduit un jeune au décrochage scolaire. Depuis le début de la pandémie, c’est un stress chronique que nos jeunes vivent. Certains sont mieux soutenus dans leur milieu ce qui leur permet de mieux composer avec la situation. D’autres n’ont pas ces mêmes conditions propices pour s’adapter : la pauvreté, manque de soutien aux ressources, médicalisation des défis d’apprentissage entre autres exemples soulignés lors de la 2e édition de Journée du Refus de l’Échec Scolaire. Des familles soutenantes avant la pandémie peuvent aussi vivent des moments difficiles et les parents se retrouvent moins disponibles pour leur jeune. Ainsi, plusieurs jeunes ne reçoivent pas le soutien adéquat tant pour leur permettre d’être écoutés dans leurs émotions et leurs besoins tant pour favoriser leur réussite scolaire. Avons-nous pleinement mesuré les conséquences de cette hausse d’échec et d’abandon scolaire? Plusieurs experts mentionnent qu’il serait possible de voir une baisse de diplomation dans les prochaines années à tous les niveaux ; secondaire, cégep et universitaire. Ce ne sont pas seulement les jeunes qui en écoperont mais, toute la société. Nous aurions une génération sacrifiée et un manque de main-d’œuvre qualifiée.

Au-delà de ladite réussite scolaire il y a un enjeu hautement plus crucial et humain ; comment prenons-nous soin de nos jeunes? 

L’impact émotionnel du confinement et des mesures sanitaires est préoccupant. Ces bouleversements émotionnels se traduisent souvent par des comportements chez nos jeunes. Les défis de concentration, l’ennui, l’irritabilité, l’agitation sont parmi les comportements fréquemment remarqués et en hausse depuis le début de la pandémie. Pour supporter ces émotions difficiles, instinctivement bien des jeunes se coupent de leurs ressentis en fuyant vers la cyberdépendance, l’abus d’alcool ou de drogues entre autres. Ainsi, nous assistons également à une hausse de cyberdépendance, d’intoxication aux substances, de troubles alimentaires.

Malheureusement, ces comportements sont souvent traités comme des troubles neurologiques ou comportementaux. La hausse remarquée des diagnostics psychiatriques et de la médicamentation abonde en ce sens ; nous médicalisons les émotions de nos jeunes à défaut de les soutenir. Également, selon une étude réalisée cet automne par l’Université de Sherbrooke, près de 37% des jeunes de 18-24 ans répondent à des critères de dépression majeure ou d’anxiété. Près de la moitié sont inquiets pour leur santé mentale. Selon une étude réalisée par l’Université de Picardie en France, 20% des étudiants ont scénarisé leur suicide! Certains ne se sont pas que contenter de visualiser leur suicide ; ils sont passé à l’acte. Le pire, nous ignorons combien! Le Québec n’est pas bien différent. Il faudra encore plusieurs mois, voire des années pour mesurer le réel impact des mesures sanitaires sur le taux de suicide chez les jeunes.

La souffrance psychique est encore malmenée. Remplie de fausses croyances et le manque de ressources est criant. Au niveau du cerveau, ce sont les mêmes zones de douleur qui s’activent que la souffrance soit physique ou psychologique. Souffrir psychiquement est douloureux physiquement. Par ailleurs, il est rare que nous mourrions physiquement d’une souffrance psychologique mais, c’est une des causes de mortalité prématurée compte tenu de la dégradation des habitudes de vie et de l’état de santé générale. Est-ce ce que nous souhaitons pour nos jeunes?

Collectivement, nous nous esquivons de notre responsabilité face à nos jeunes qui sont vulnérables et en plein développement. Nous négligeons le stress immense auquel nos jeunes doivent faire fassent quotidiennement avec un cerveau encore immature pour y faire face seul. Nous ne voyons plus à quel point, collectivement et individuellement, nous leur faisons violence et que nous faillissions à notre tâche d’adultes en les abandonnant, en les méprisants, en les culpabilisants et en les rendant responsables de propager le virus et de potentiellement causer des décès. Génération d’enfants rois, égoïstes, irresponsables, c’est ainsi que nous avons dépeint notre jeunesse.

Nous avons choisi d’adopter pour une approche punitive et coercitive pernicieuse plutôt que de comprendre ce qui se passe dans le cerveau et dans le cœur de nos jeunes. Nous augmentons leur détresse et involontairement, nous leur causons de la souffrance. Nos jeunes sont gavés de pilules depuis les dernières années. On bourre nos jeunes d’anxiolytiques, de psychostimulants, d’antidépresseurs telle une norme banale acceptée socialement. Nous acceptons que la médication soit presque la réponse exclusive à la détresse sociale et psychologique. La médicalisation était déjà un remède pour l’échec du système scolaire et l’insuffisance des ressources psychologique. Nous n’avions pas préconisé l’approche humaine basée sur la relation d’attachement, l’écoute et l’accueil des émotions. Comme nous avions déjà l’habitude de régler les problématiques rapidement avec une médication, nous ne voyons même plus à quel point la détresse de nos jeunes est accumulée, grande et bien sentie.

Quand cesserons-nous de médicaliser les émotions des jeunes? Quand allons-nous les accompagner et les soutenir dans leur détresse et dans leur souffrance. Quand allons-nous véritablement aller à leur rencontre, à la rencontre de ce qu’ils vivent et à la rencontre de leurs véritables besoins. 

Est-ce que ce mal-être psychique intense est considéré dans les prises de décisions? Est-ce que ces effets sur nos jeunes sont pleinement mesurés dans la balance d’inconvénients? Les inquiétudes permanentes sont sources de stress durable et le sentiment de solitude en soi est une souffrance psychique que nous avons tendance à oublier. Le confinement à la maison qu’impose les cours en ligne est également une agression psychique contre notre nature humaine. Cet isolement social est à la source des problèmes de santé psychologique. Cette détresse psychique augmente le risque de dépression jusqu’à 9 ans après l’isolement social[1].

L’Association des pédiatres a déjà sonner la sonnette d’alarme. Les restrictions sanitaires sont en train de créer de sérieux problèmes chez toute une génération d’ados, a déclaré l’Association des pédiatres du Québec dans un communiqué émis en octobre dernier. Ils parlent carrément d’un « sacrifice générationnel ».

Qu’attendons-nous?

 

Mélanie Ouimet

 

Références :

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7267797/

 

 

Éducation et maternelle 4 ans : Interagir plutôt qu’intervenir

Éducation et maternelle 4 ans : Interagir plutôt qu’intervenir

« Ce n’est pas signe d’une bonne santé mentale que d’être adapté à une société malade », disait Jiddu Krishnamurti.

 

L’accès universel à la maternelle 4 ans instauré par notre gouvernement actuel suscite de vives réactions. Dans la mêlée des nombreux débats qui opposent les éducatrices en CPE et les enseignants, nous oublions les principaux concernés : les enfants.

Un des principaux objectifs de la maternelle 4 ans est de privilégier de meilleurs services afin de prévenir plus tôt lesdits troubles d’apprentissage, neurodévelopementaux et psychiatriques chez les enfants. En somme, nous visons d’intervenir plus tôt pour optimiser la réussite scolaire. Une noble intention.

En effet, l’enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle mentionne qu’entre 2012 et 2017, 26% des enfants entrent dans le système scolaire avec un facteur de vulnérabilité dans ces domaines : santé et bien-être, compétences sociales, maturité affective, développement cognitif et langagier et habiletés de communication.

Cependant, nous faisons preuve de violence éducative ordinaire, lorsqu’encore une fois, nous mettons l’emphase sur les troubles et nous préférons mettre en avant plan le dépistage précoce, donc affirmer d’emblée que ce sont les enfants qui ont un trouble quelconque plutôt que de prendre notre part de responsabilité dans les défis de nos enfants, d’adapter l’environnement et de miser sur les véritables besoins de base des enfants; L’attachement, le lien, le contact humain.

Nous négligeons d’une part, la diversité humaine, en standardisant de manière déraisonnable le développement des enfants en sous-entendant qu’il devrait atteindre une normalité souhaitée.

À titre d’exemple, le langage verbal des enfants autistes prototypiques débute, pour la majorité d’entre eux, vers 4-5 ans[1]. Il ne s’agit aucunement d’un retard de développement, mais d’un développement atypique. Quelle intervention allons-nous offrir à ces enfants? Puisque, si nous dépistons très tôt ledit retard de langage chez ces autistes, mettre un accent uniquement sur le développement de leur langage serait aussi ridicule que de mettre l’accent sur le développement de la course chez des enfants de 10 mois.

Ainsi, la neurodiversité n’est pas prise en considération. En commençant par hiérarchiser les enfants entre eux : les « doués », les « normaux » et les « vulnérables » (déficients). Ensuite, plutôt que de favoriser les adaptations, la collaboration, la compréhension et le respect de tout un chacun, nous détruisons la diversité humaine au nom du conformiste, d’une illusion de normalité avec le sentiment d’avoir bien fait. Nous sommes incapables d’adapter l’environnement dans lequel évoluent les enfants, faute de volonté, de mauvaises croyances et de moyens financiers. Les élèves sont en difficultés principalement parce que notre système d’éducation est standardisé et normalisé. Nous n’osons que très rarement remettre en question le mode d’apprentissage ainsi que nos approches envers les enfants. La qualité des services offerts est-elle réellement optimale? Les approches disciplinaires punitives et coercitives sont-elles réellement légitimes? Il semble plus facile d’identifier les défis que rencontrent nos enfants en leur fixant un trouble neurologique, un trouble d’apprentissage et maintenant, desdites vulnérabilités que de se remettre en question, ce qui nous déresponsabilise par le fait même.

D’autre part, nous négligeons notre part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent nos enfants. Il est trop facile de blâmer ces enfants, de blâmer leur génétique, de blâmer leur trait de caractère alors que nous ne considérons pas le développement affectif des enfants. Nous mettons un fort accent sur le développement cognitif. Les connaissances sur ce sujet abondent et nous sonnons la sonnette d’alarme dès qu’un enfant ne suit pas le cours « normal » de son développement cognitif. Mais, nous ne savons presque rien sur le développement affectif des enfants, pourtant de base, vital et essentiel à leur épanouissement.

Notre société a des attentes totalement irréalistes du développement affectif des enfants. Nous avons des attentes énormes quant à leur socialisation, à leur maturité émotionnelle, à leur autonomie, à leur habileté en matière de communication de leurs besoins, à leur capacité d’adaptation aux changements, etc. Or, ce sont justement ces attentes qu’un enfant doive se comporter comme un adulte qui engendre souvent des troubles de comportements, des troubles d’apprentissages et des troubles affectifs (trouble d’attachement) chez les enfants[2].

Par ailleurs, ce que nous nommons « troubles » est bien souvent ni plus ni moins que des réactivités émotionnelles normales des enfants, compte tenu leur immaturité cérébrale, avec toute l’intensité qu’elles dégagent. L’enfance se transforme en trouble comportemental et tout ce que nous trouvons de mieux à faire c’est de « prévenir » ces troubles en revendiquant un meilleur accès pour le dépistage précoce! Mais, qui adaptera l’environnement? Qui ira à la source des besoins non compris avant de systématiquement dépister un trouble? Qui donnera du temps aux enfants? Qui offrira une qualité de présence? Qui favorisera l’attachement sécure? Qui accueillera leurs émotions? Qui remplira d’amour et de tendresse le réservoir affectif des enfants?

Tant les parents que les intervenants, spécialistes et la population générale, manque souvent cruellement d’information sur le développement émotionnel des enfants et manque par conséquent d’outils pour bien les accompagner au quotidien. Comme un sondage de la Fédération des syndicats de l’enseignement nous le révélait, « Deux professeurs en adaptation scolaire sur trois avaient vécu une agression physique, verbale ou psychologique de la part d’un élève au cours des deux dernières années[3] ». Cette statistique parle d’elle-même. Nous ressentons le désarroi des enseignants et des autres accompagnants et nous tombons rapidement dans cette dynamique d’enfant-bourreau et d’enseignant-victime. Nous souhaitons « prévenir » plutôt que d’accepter que les débordements émotionnels ainsi que les comportements dérangeants fassent partie intégrante de l’enfance que les comportements sont un langage qui exprime un besoin et d’outiller les adultes accompagnants face à cette réalité.

L’empathie, l’amour et la tendresse sont les carburants des enfants[4]et ainsi, une attitude affectueuse de quiconque accompagnant l’enfant a un impact positif et considérable sur la maturation des lobes frontaux de l’enfant[5]. Le cerveau des enfants est encore immature et le cerveau humain prend plusieurs années avant d’atteindre sa pleine maturité. Les enfants ont besoin d’un cadre sécurisant pour permettre à leur cerveau déployer les connexions neuronales de manière optimale et ainsi leur permettre de s’épanouir pleinement.

Par exemple, les autistes, les doués, les enfants ayant un « TDAH » sont reconnus pour être des personnes très sensibles. Ces enfants sont par conséquent sensibles à leur environnement et ils ont de grands besoins affectifs : leur réservoir affectif se vide plus rapidement que la moyenne. Or, cela n’est jamais pris en considération. L’anxiété, les troubles de comportements, le trouble d’attachement sont souvent présents comme comorbidité chez ces enfants. L’enfant se retrouve avec un trouble et une multitude d’autres souffrances et troubles corrélés. Alors qu’initialement, nous avions un enfant, divergent de la norme, qui présente bien souvent et simplement, des besoins affectifs non assouvis. L’attachement est la base de la sécurité affective et de l’autonomie pour tous les enfants. Sans quoi, le cycle comportemental augmente et l’enfant se retrouve rapidement étiqueté d’agressif, de capricieux, d’opposant, de turbulents, de mal élevé.

On nous parle sans cesse d’intervenir… mais jamais d’interagir! Mettre l’accent sur la relation humaine, le lien de confiance et ainsi créer un espace sécurisant dans lequel l’enfant se sentira libre d’exprimer ce qu’il ressent est gage de réussite.

La vérité est que nous masquons notre incompétence et que nous refusons de prendre nos responsabilités. La vérité est que nous, citoyens responsables, rendons nos enfants vulnérables aux troubles d’apprentissage, à l’anxiété, aux comportements dérangeants, au trouble d’attachement, à l’immaturité émotionnelle[6].

Peut-être que « ces enfants » nous envoient un message : celui de dire non au conformiste d’une société aliénée.

Tant que personne ne se lèvera pour parler ouvertement des besoins affectifs si fondamentaux des enfants, petits et grands, nous assisterons à de la petite politique d’égo alliant « experts » et « spécialistes » qui essaient seulement de parler plus fort les uns comme les autres. Parler des besoins affectifs et émotionnels demande humilité, courage et responsabilisation.

Réclamer des services est un discours cliché de cassette préfabriquée vide de sens tant et aussi longtemps que les besoins de bases ne seront pas comblés et que la diversité humaine ne sera pas reconnue. En ne parlant que de problématiques et en demeurant focaliser uniquement sur les troubles potentiels et sur le dépistage précoce, nous oublions l’essentiel : la relation humaine.

Aucun trouble ne sera prévenu tant et aussi longtemps que nous n’aborderons pas la neurodiversité et ces besoins affectifs fondamentaux de base des enfants. Dans les conditions actuelles, nous craignons que maternelle 4 ans ne soit qu’un beau tremplin vers des surdiagnostics et une médicamentation excessive d’enfants déjà en grande souffrance et il serait déplorable que nous continuions de faire les mêmes erreurs « pour leur bien ».

 

Un texte co-écrit par Lucila Guerrero et Mélanie Ouimet

Références:

[1]Laurent Mottron, l’intervention précoce pour enfants autistes, MARDAGA, 2016

[2]Gabor Maté et Gordon Neufeld, retrouver son rôle de parent, HOMME, février 2005

[3]https://www.tvanouvelles.ca/2018/11/26/il-faut-mieux-repartir-les-eleves-dit-le-ministre-roberge

[4]Isabelle Filliozat, au cœur des émotions de l’enfants, MARABOUT, février 2019

[5]Catherine Gueguen, pour une enfance heureuse, POCKET, mai 2015

[6]Mitsiko Miller, découvrir la parentalité positive, TRÉCARRÉ, 2019

Hausse de prise d’antidépresseurs chez les jeunes de moins de 14 ans

Hausse de prise d’antidépresseurs chez les jeunes de moins de 14 ans

Le 7 février dernier, les données de la régie d’assurance médicaments du Québec (RAMQ) nous apprenait que la consommation d’antidépresseurs chez les enfants de moins de 14 ans avait fait un bon de 28% au cours des deux dernières années. Lorsque nous regardons d’un peu plus près, les moins de 4 ans ont connu une hausse de 85%, les 5 à 9 ans, une hausse de 14% et les 10-14 ans une hausse de 31%.

Bien sûr, cette tendance à la médicalisation de l’enfance été déjà bien présente avant la pandémie. C’est d’ailleurs une des principales raisons pour lesquelles je m’implique autant dans le domaine et que j’ai initié le mouvement de la neurodiversité dans la francophonie. Cependant, cette hausse fulgurante demeure particulièrement inquiétante. La tangente que prend la pandémie ne présage rien de constructif et de créatif pour améliorer la santé psychologique et physique de nos enfants. Au contraire, nous semblons y trouver une certaine normalité et un certain confort à médicaliser les émotions de nos enfants.

Avons-nous seulement conscience de ce que nous faisons avec nos enfants?

Que souhaitons-nous transmettre à nos enfants? Que la solidarité et l’altruisme est d’être soi-même en souffrance? Que la collectivité est plus importante que leurs besoins de base fondamentaux? Qu’ils doivent ignorer leurs émotions et leurs besoins. Qu’ils doivent taire leur détresse? Qu’ils doivent prendre des médicaments lorsqu’ils sont en souffrance?

Bien que la médication puisse avoir une portée positive à court terme dans certaines situations urgentes, la médication a des conséquences sur la santé physique et psychologique des jeunes. Ce sont des médicaments puissants que nous proposons à de très jeunes enfants. Cette médication a un impact sur le développement de leur cerveau et entrave son développement normal. La maturation cérébrale ralentit et dans certains cas, la maturation s’éteint complètement dans certaines régions. C’est la réalité de la médication psychiatrique chez les jeunes qui ont un cerveau en plein développement. Imaginons les conséquences désastreuses sur des enfants à peine âgés de 3 ans.

En plus de la médication qui empêche la croissance de leur cerveau, l’environnement dans lequel ils grandissent depuis 2 ans va à l’encontre de leur développement affectif et social. L’environnement impact également la croissance cérébrale. Nos enfants vivent en situation de stress chronique depuis des mois. Le stress chronique est toxique pour leur cerveau en développement. Leurs besoins fondamentaux ne sont pas comblés et pire, les mesures sanitaires qui leur sont imposées freinent leur élan de vie. Nos enfants s’éteignent. Ils meurent de l’intérieur.

 

Nos enfants ne sont pas malades. Nos enfants ne souffrent pas de maladies mentales. Nos enfants évoluent dans un environnement qui ne répond pas à leurs besoins fondamentaux et qui est donc incompatible avec leur développement. Leur environnement actuel brime et réprime leur développement naturel et spontané. Leur cerveau et leur corps entier réagissent à cet environnement inadapté. Nos enfants ne peuvent plus d’adapter à leur environnement et leur cerveau tire la sonnette d’alarme. Le message est clair : ça ne va pas, mes besoins fondamentaux ne sont pas comblés, aide-moi.

Faute de ressources sociales et faute de pouvoir modifier leur environnement, nous médicalisons leurs émotions et leurs besoins. Nous les engourdissons et les droguons en espérant qu’ils ne ressentent plus leur grande souffrance et qu’ils guérissent. Or, comment cela pourrait-il être possible si leurs ressentis sont engourdis et que l’environnement dans lequel ils continuent d’évoluer leur fait violence quotidiennement?

Ces enfants ont besoins de contacts physiques et de lien d’attachement. Ils ont besoin de se sentir respectés, en sécurité, libres. Ils ont besoin d’exprimer leur spontanéité et leur créativité. Ils ont besoin de bouger sans restriction. Ce ne sont pas des caprices ni de l’égoïsme. C’est la nature profonde des enfants.

Nous souhaitons que nos enfants fassent preuve de solidarité et d’altruisme. Nous souhaitons qu’ils puissent vivre en collectivité et qu’ils puissent avoir conscience de leur interdépendance avec autrui et la nature qui les entoure. Cependant, actuellement, nous leur apprenons à s’effacer, à se résigner, à s’oublier. Nous leur apprenons qu’ils ne sont pas importants et qu’ils n’ont pas de valeur. Nous leur apprenons que leurs besoins sont superficiels. Nous leur apprenons qu’il faille souffrir à en mourir de l’intérieur pour préserver les autres. Nous leur apprenons que la seule manière de fonctionner dans une société collective est de s’éteindre, paradoxalement pour le bien-être et la santé de celle-ci.

Nous souhaitons que nos enfants soient « bien élevés » et qu’ils fassent preuve d’empathie. Paradoxalement, nous sommes collectivement en train de détruire leur cerveau et malheureusement, leur faculté innée d’empathie ne se développera pas.  En effet, pour se développer, le cerveau d’un enfant a besoin de conditions favorables. C’est tout le contraire de ce qui se passe actuellement.

Comment pouvons-nous espérer que nos enfants développent leur faculté d’empathie si nous ignorer leurs besoins de bases, leurs émotions et que nous les engourdissons? Comment pourront-ils ressentir? Comment pourront-ils se connecter à autrui et ressentir les émotions pour faire preuve d’empathie? Entre autres, les neurones miroirs ne s’activeront pas convenablement puisqu’elles n’auront pas eu la chance de se déployer. Si nous ne leur offrons pas d’eau, pas de lumière, pas de terreau fertile, comment pouvons-nous espérer qu’ils se développent sainement?

Notre jeunesse, c’est un grand enjeu de santé publique et c’est maintenant que nous devons agir.

 

Mélanie Ouimet