Nos jeunes sont en détresse

Nos jeunes sont en détresse

Depuis le début de la pandémie, nos quotidiens ont été chamboulés. Au fil des mois, l’incertitude sur l’avenir s’accentue et le stress devient chronique pour plusieurs d’entre nous. C’est tout à fait normal compte tenu ce que nous vivons.  

Les jeunes n’en sont pas épargnés. Ils font d’ailleurs partie des êtres humains plus vulnérables ; ils sont en plein développement et ils sont dans une période charnière de leur vie. Les mesures sanitaires imposées les impacts même grandement. Sommes-nous en train de sacrifier toute une génération? Les cours en ligne conduisent plusieurs jeunes à abandonner leurs études. Selon la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), le taux d’échec dans plusieurs écoles du Québec serait en moyenne de 30%. Nous parlons d’une hausse de 20%.

Ce ne sont pas des caprices ni un manque de volonté ; ils sont en détresse. Pour être disponible aux apprentissages et pour être motivé, l’environnement doit être favorable. Sans quoi, il est biologiquement impossible d’apprendre et de mémoriser de manière optimale. 

Un jeune sous stress et vivant des émotions désagréables verra ses facultés d’apprentissage diminuées. Sans émotions positives, sa motivation sera quasi nulle également. C’est ainsi que le cerveau humain est construit et par-dessus tout, il est construit pour être en relation. En temps ordinaire, un événement stressant est un élément qui conduit un jeune au décrochage scolaire. Depuis le début de la pandémie, c’est un stress chronique que nos jeunes vivent. Certains sont mieux soutenus dans leur milieu ce qui leur permet de mieux composer avec la situation. D’autres n’ont pas ces mêmes conditions propices pour s’adapter : la pauvreté, manque de soutien aux ressources, médicalisation des défis d’apprentissage entre autres exemples soulignés lors de la 2e édition de Journée du Refus de l’Échec Scolaire. Des familles soutenantes avant la pandémie peuvent aussi vivent des moments difficiles et les parents se retrouvent moins disponibles pour leur jeune. Ainsi, plusieurs jeunes ne reçoivent pas le soutien adéquat tant pour leur permettre d’être écoutés dans leurs émotions et leurs besoins tant pour favoriser leur réussite scolaire. Avons-nous pleinement mesuré les conséquences de cette hausse d’échec et d’abandon scolaire? Plusieurs experts mentionnent qu’il serait possible de voir une baisse de diplomation dans les prochaines années à tous les niveaux ; secondaire, cégep et universitaire. Ce ne sont pas seulement les jeunes qui en écoperont mais, toute la société. Nous aurions une génération sacrifiée et un manque de main-d’œuvre qualifiée.

Au-delà de ladite réussite scolaire il y a un enjeu hautement plus crucial et humain ; comment prenons-nous soin de nos jeunes? 

L’impact émotionnel du confinement et des mesures sanitaires est préoccupant. Ces bouleversements émotionnels se traduisent souvent par des comportements chez nos jeunes. Les défis de concentration, l’ennui, l’irritabilité, l’agitation sont parmi les comportements fréquemment remarqués et en hausse depuis le début de la pandémie. Pour supporter ces émotions difficiles, instinctivement bien des jeunes se coupent de leurs ressentis en fuyant vers la cyberdépendance, l’abus d’alcool ou de drogues entre autres. Ainsi, nous assistons également à une hausse de cyberdépendance, d’intoxication aux substances, de troubles alimentaires.

Malheureusement, ces comportements sont souvent traités comme des troubles neurologiques ou comportementaux. La hausse remarquée des diagnostics psychiatriques et de la médicamentation abonde en ce sens ; nous médicalisons les émotions de nos jeunes à défaut de les soutenir. Également, selon une étude réalisée cet automne par l’Université de Sherbrooke, près de 37% des jeunes de 18-24 ans répondent à des critères de dépression majeure ou d’anxiété. Près de la moitié sont inquiets pour leur santé mentale. Selon une étude réalisée par l’Université de Picardie en France, 20% des étudiants ont scénarisé leur suicide! Certains ne se sont pas que contenter de visualiser leur suicide ; ils sont passé à l’acte. Le pire, nous ignorons combien! Le Québec n’est pas bien différent. Il faudra encore plusieurs mois, voire des années pour mesurer le réel impact des mesures sanitaires sur le taux de suicide chez les jeunes.

La souffrance psychique est encore malmenée. Remplie de fausses croyances et le manque de ressources est criant. Au niveau du cerveau, ce sont les mêmes zones de douleur qui s’activent que la souffrance soit physique ou psychologique. Souffrir psychiquement est douloureux physiquement. Par ailleurs, il est rare que nous mourrions physiquement d’une souffrance psychologique mais, c’est une des causes de mortalité prématurée compte tenu de la dégradation des habitudes de vie et de l’état de santé générale. Est-ce ce que nous souhaitons pour nos jeunes?

Collectivement, nous nous esquivons de notre responsabilité face à nos jeunes qui sont vulnérables et en plein développement. Nous négligeons le stress immense auquel nos jeunes doivent faire fassent quotidiennement avec un cerveau encore immature pour y faire face seul. Nous ne voyons plus à quel point, collectivement et individuellement, nous leur faisons violence et que nous faillissions à notre tâche d’adultes en les abandonnant, en les méprisants, en les culpabilisants et en les rendant responsables de propager le virus et de potentiellement causer des décès. Génération d’enfants rois, égoïstes, irresponsables, c’est ainsi que nous avons dépeint notre jeunesse.

Nous avons choisi d’adopter pour une approche punitive et coercitive pernicieuse plutôt que de comprendre ce qui se passe dans le cerveau et dans le cœur de nos jeunes. Nous augmentons leur détresse et involontairement, nous leur causons de la souffrance. Nos jeunes sont gavés de pilules depuis les dernières années. On bourre nos jeunes d’anxiolytiques, de psychostimulants, d’antidépresseurs telle une norme banale acceptée socialement. Nous acceptons que la médication soit presque la réponse exclusive à la détresse sociale et psychologique. La médicalisation était déjà un remède pour l’échec du système scolaire et l’insuffisance des ressources psychologique. Nous n’avions pas préconisé l’approche humaine basée sur la relation d’attachement, l’écoute et l’accueil des émotions. Comme nous avions déjà l’habitude de régler les problématiques rapidement avec une médication, nous ne voyons même plus à quel point la détresse de nos jeunes est accumulée, grande et bien sentie.

Quand cesserons-nous de médicaliser les émotions des jeunes? Quand allons-nous les accompagner et les soutenir dans leur détresse et dans leur souffrance. Quand allons-nous véritablement aller à leur rencontre, à la rencontre de ce qu’ils vivent et à la rencontre de leurs véritables besoins. 

Est-ce que ce mal-être psychique intense est considéré dans les prises de décisions? Est-ce que ces effets sur nos jeunes sont pleinement mesurés dans la balance d’inconvénients? Les inquiétudes permanentes sont sources de stress durable et le sentiment de solitude en soi est une souffrance psychique que nous avons tendance à oublier. Le confinement à la maison qu’impose les cours en ligne est également une agression psychique contre notre nature humaine. Cet isolement social est à la source des problèmes de santé psychologique. Cette détresse psychique augmente le risque de dépression jusqu’à 9 ans après l’isolement social[1].

L’Association des pédiatres a déjà sonner la sonnette d’alarme. Les restrictions sanitaires sont en train de créer de sérieux problèmes chez toute une génération d’ados, a déclaré l’Association des pédiatres du Québec dans un communiqué émis en octobre dernier. Ils parlent carrément d’un « sacrifice générationnel ».

Qu’attendons-nous?

 

Mélanie Ouimet

 

Références :

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7267797/

 

 

Les répercussions du port du masque chez les enfants et les adolescents

Les répercussions du port du masque chez les enfants et les adolescents

Depuis le début de la pandémie, l’impact des mesures sanitaires sur les enfants inquiète plusieurs adultes.

 

Ils ont vécu l’arrêt scolaire au printemps dernier et ce, sur une longue période. Certains ne sont retournés dans leur milieu que cet automne. Ce confinement avait augmenté la détresse de plusieurs jeunes à plusieurs niveaux. Les mesures sanitaires implantées dans leur milieu scolaire comme le lavage fréquent des mains, la distanciation et les bulles sont un facteur de stress supplémentaire bien que le retour à l’école soit salvateur pour la plupart des élèves.

Le port du masque sur de longues périodes s’est ajouté à ces mesures établies. Nous n’avons aucune donnée quant aux effets des mesures sanitaires imposées chez les enfants et adolescents autant à court terme qu’à long terme. Pas plus que nous avons de données sur les répercussions du port du masque. Il n’existe aucune étude indépendante des fabricants sur l’utilisation de masques pour des enfants et adolescents qui pourraient les certifier comme produits médicaux sécuritaires. Également, les matériaux utilisés diffèrent et aucune étude en ce sens a été réalisée sur les effets protecteurs ou néfastes sur le port du masque dans le quotidien. En soit, les décisions sont prises sans fondement scientifique probant et sans connaître les effets négatifs qui pourraient éventuellement peser plus lourd dans la balance que l’effet protecteur. Comment est-il possible de rendre obligatoire un produit sur une base médicale alors qu’aucune étude ne certifie le produit et que les effets secondaires ne sont pas connus?

D’ailleurs, nous avons appris la semaine dernière que le masque chirurgical sera maintenant obligatoire dans nos écoles secondaires mais, pas dans celles du primaire. Selon l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), ces masques auraient dû être privilégiés dès le départ. Les masques en tissus n’offrent pas la même protection ; ils sont moins étanches. L’INSPQ rappelle toutefois que le port du masque chirurgical n’est pas infaillible et recommande un éventail de mesures dont entre autres d’optimiser la ventilation dans les écoles.

À l’Université de Witten/Herdecke en Allemagne un registre[1] a été mis en place où des parents, des médecins, des pédagogues et autres pouvaient saisir leurs observations. Au total, 363 médecins ont été invités à informer les parents et enseignants de la création de ce registre ainsi qu’à faire des entrées des données. En date du 26 octobre 2020, le registre comptait 20 353 personnes et des données saisies pour un total de 25 930 jeunes entre 0 et 18 ans. La durée moyenne du port du masque était de 270 minutes par jour, soit de 4h30. Le registre est encore ouvert à cette date. Au total, 68% parents ont observé des effets indésirables du port du masque chez leur enfant. Celles-ci comprenaient l’irritabilité (60%), les maux de tête (53%), la difficulté à se concentrer (50%), moins de bonheur (49%), la réticence à aller à l’école / à la maternelle (44%), inconfort (42%) les troubles d’apprentissage (38%) et somnolence ou fatigue (37%). Des sensations d’essoufflement, des vertiges, des pertes de conscience, de la nausée, un sentiment de faiblesse, des douleurs abdominales et une respiration accélérée ont également été rapportés chez de nombreux enfants. Également 25,3% des enfants ont développé de nouvelles angoisses ; ils ont peur que leurs parents meurent de la Covid, ils ont peur d’être étouffés par le masque et ils ont peur pour l’avenir. Des cauchemars et des troubles anxieux ont été remarqués chez les jeunes enfants qui ont de la difficulté à reconnaître les différents visages. Dans l’ensemble, les enfants de 7 à 12 ans ont été davantage touchés par les effets négatifs du port du masque.

Cette étude démontre que le port du masque chez les enfants produits des effets indésirables importants autant sur le plan physique, psychologique que cognitif.

Au Québec, il est également important de spécifier que les éclosions survenues dans les écoles cet automne comptait majoritairement moins de 6 cas[2]. Les cas de Covid dans nos écoles demeurent majoritairement isolés. Dans 43%, l’origine est éclosions provient du personnel. La transmission dans nos écoles québécoises semble peu fréquente, bien contrôlée et les éclosions sont minimes.

Bien que les exceptions existent, nous savons que les jeunes sont très faiblement à risque de complications de la Covid. Pourrions-nous envisager de revoir l’obligation du port du masque chez nos jeunes compte tenu la méconnaissance scientifique qui entoure autant l’effet protecteur que les effets secondaires? La qualité de vie des enfants s’est grandement détériorée au cours des derniers mois. Ce registre nous invite à nous questionner sur ce que nous souhaitons collectivement pour nos enfants. Ce que nous faisons comme choix est-il éthique? Est-ce moral? Attendons-nous d’obtenir le risque zéro pour offrir la qualité de vie optimale que mérite nos enfants? Avons-nous bien mesuré l’impact à moyen et long termes de ces effets négatifs et de cette moindre qualité de vie sur le développement de leur cerveau?

Mélanie Ouimet

 

Références :

[1] https://www.researchsquare.com/article/rs-124394/v1

[2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1756604/lecons-ecole-eclosions-covid-19-etude-montreal

 

Hausse de prise d’antidépresseurs chez les jeunes de moins de 14 ans

Hausse de prise d’antidépresseurs chez les jeunes de moins de 14 ans

Le 7 février dernier, les données de la régie d’assurance médicaments du Québec (RAMQ) nous apprenait que la consommation d’antidépresseurs chez les enfants de moins de 14 ans avait fait un bon de 28% au cours des deux dernières années. Lorsque nous regardons d’un peu plus près, les moins de 4 ans ont connu une hausse de 85%, les 5 à 9 ans, une hausse de 14% et les 10-14 ans une hausse de 31%.

Bien sûr, cette tendance à la médicalisation de l’enfance été déjà bien présente avant la pandémie. C’est d’ailleurs une des principales raisons pour lesquelles je m’implique autant dans le domaine et que j’ai initié le mouvement de la neurodiversité dans la francophonie. Cependant, cette hausse fulgurante demeure particulièrement inquiétante. La tangente que prend la pandémie ne présage rien de constructif et de créatif pour améliorer la santé psychologique et physique de nos enfants. Au contraire, nous semblons y trouver une certaine normalité et un certain confort à médicaliser les émotions de nos enfants.

Avons-nous seulement conscience de ce que nous faisons avec nos enfants?

Que souhaitons-nous transmettre à nos enfants? Que la solidarité et l’altruisme est d’être soi-même en souffrance? Que la collectivité est plus importante que leurs besoins de base fondamentaux? Qu’ils doivent ignorer leurs émotions et leurs besoins. Qu’ils doivent taire leur détresse? Qu’ils doivent prendre des médicaments lorsqu’ils sont en souffrance?

Bien que la médication puisse avoir une portée positive à court terme dans certaines situations urgentes, la médication a des conséquences sur la santé physique et psychologique des jeunes. Ce sont des médicaments puissants que nous proposons à de très jeunes enfants. Cette médication a un impact sur le développement de leur cerveau et entrave son développement normal. La maturation cérébrale ralentit et dans certains cas, la maturation s’éteint complètement dans certaines régions. C’est la réalité de la médication psychiatrique chez les jeunes qui ont un cerveau en plein développement. Imaginons les conséquences désastreuses sur des enfants à peine âgés de 3 ans.

En plus de la médication qui empêche la croissance de leur cerveau, l’environnement dans lequel ils grandissent depuis 2 ans va à l’encontre de leur développement affectif et social. L’environnement impact également la croissance cérébrale. Nos enfants vivent en situation de stress chronique depuis des mois. Le stress chronique est toxique pour leur cerveau en développement. Leurs besoins fondamentaux ne sont pas comblés et pire, les mesures sanitaires qui leur sont imposées freinent leur élan de vie. Nos enfants s’éteignent. Ils meurent de l’intérieur.

 

Nos enfants ne sont pas malades. Nos enfants ne souffrent pas de maladies mentales. Nos enfants évoluent dans un environnement qui ne répond pas à leurs besoins fondamentaux et qui est donc incompatible avec leur développement. Leur environnement actuel brime et réprime leur développement naturel et spontané. Leur cerveau et leur corps entier réagissent à cet environnement inadapté. Nos enfants ne peuvent plus d’adapter à leur environnement et leur cerveau tire la sonnette d’alarme. Le message est clair : ça ne va pas, mes besoins fondamentaux ne sont pas comblés, aide-moi.

Faute de ressources sociales et faute de pouvoir modifier leur environnement, nous médicalisons leurs émotions et leurs besoins. Nous les engourdissons et les droguons en espérant qu’ils ne ressentent plus leur grande souffrance et qu’ils guérissent. Or, comment cela pourrait-il être possible si leurs ressentis sont engourdis et que l’environnement dans lequel ils continuent d’évoluer leur fait violence quotidiennement?

Ces enfants ont besoins de contacts physiques et de lien d’attachement. Ils ont besoin de se sentir respectés, en sécurité, libres. Ils ont besoin d’exprimer leur spontanéité et leur créativité. Ils ont besoin de bouger sans restriction. Ce ne sont pas des caprices ni de l’égoïsme. C’est la nature profonde des enfants.

Nous souhaitons que nos enfants fassent preuve de solidarité et d’altruisme. Nous souhaitons qu’ils puissent vivre en collectivité et qu’ils puissent avoir conscience de leur interdépendance avec autrui et la nature qui les entoure. Cependant, actuellement, nous leur apprenons à s’effacer, à se résigner, à s’oublier. Nous leur apprenons qu’ils ne sont pas importants et qu’ils n’ont pas de valeur. Nous leur apprenons que leurs besoins sont superficiels. Nous leur apprenons qu’il faille souffrir à en mourir de l’intérieur pour préserver les autres. Nous leur apprenons que la seule manière de fonctionner dans une société collective est de s’éteindre, paradoxalement pour le bien-être et la santé de celle-ci.

Nous souhaitons que nos enfants soient « bien élevés » et qu’ils fassent preuve d’empathie. Paradoxalement, nous sommes collectivement en train de détruire leur cerveau et malheureusement, leur faculté innée d’empathie ne se développera pas.  En effet, pour se développer, le cerveau d’un enfant a besoin de conditions favorables. C’est tout le contraire de ce qui se passe actuellement.

Comment pouvons-nous espérer que nos enfants développent leur faculté d’empathie si nous ignorer leurs besoins de bases, leurs émotions et que nous les engourdissons? Comment pourront-ils ressentir? Comment pourront-ils se connecter à autrui et ressentir les émotions pour faire preuve d’empathie? Entre autres, les neurones miroirs ne s’activeront pas convenablement puisqu’elles n’auront pas eu la chance de se déployer. Si nous ne leur offrons pas d’eau, pas de lumière, pas de terreau fertile, comment pouvons-nous espérer qu’ils se développent sainement?

Notre jeunesse, c’est un grand enjeu de santé publique et c’est maintenant que nous devons agir.

 

Mélanie Ouimet

Pandémie : sortir de l’échange stérile « pour ou contre »

Pandémie : sortir de l’échange stérile « pour ou contre »

Je ne sais pas quelles stratégies auraient été préférables. Je ne suis pas dans le « pour » ou « contre » ni dans un « clan » ou « dans l’autre ». Je suis humaine et j’ai des jugements mais, j’ai toujours été dans la réflexion avec une pensée fluide qui dérange.

 

Je ne me situe pas d’un côté ni de l’autre. Je suis pour un vivre-ensemble qui ne fera violence à personne. Je cherche une autre proposition de société qui sort de nos croyances acquises limitantes. Ce n’est pas parce que nous ne savons pas faire autrement que cet autrement n’existe pas et que nous devons rester enfermés dans nos carcans sociaux, et pire, sous prétexte que « nous sommes en pandémie! ».

Ainsi, je déplore que nous n’ayons plus le droit à la réflexion et que seule la pensée unique domine. La division, l’extrémisme, la radicalisation naissent de cette pensée unique et de cette incapacité d’échanger, de débattre avec écoute et ouverture.

Je déplore que nos gouvernements optent pour des obligations plutôt que des recommandations. Pendant que nous souhaitons assurer notre sécurité, nous ne voyons pas que nous faisons violence à d’autres et pire, parfois nous trouvons que cela justifié. Je déplore que nous n’ayons pas misé sur la responsabilisation, le discernement et le gros bon sens de tout un chacun.

Je déplore les 133 millions et des poussières[1] dépensés en publicité pour maintenir un discours unique et persuasif qui maintient un climat de peur. La peur et les mécanismes de survie nous déshumanisent. Des situations que jamais nous accepterions deviennent acceptables, voire nécessaires ; des ainées isolées dans leur chambre, des personnes qui décèdent seul sans pouvoir voir leur proche, des enfants masqués, des adolescents isolés. L’isolement est une torture. Rien de justifie la violence et encore moins sous prétexte que cela ne nous tue pas. Sauf peut-être lorsque nous sommes aveuglés par la peur qui nous empêche d’être en réelle empathie et que nous avons des croyances limitantes ; « on n’a pas le choix, on est en pandémie! ».

Je déplore ces discours : « Nous devons tous faire des sacrifices! », « Des gens vont mourir si… », « Par respect pour les personnes décédés, nous devons… », « Il faut soutenir et être solidaire avec le personnel soignant! ». C’est de la violence collective, de la manipulation, de la culpabilisation. Les sanctions, les obligations, les menaces, les chasses aux sorcières, le mépris, les insultes, le rabaissement sont des formes de violence. Ce n’est pas pour notre bien. Ce n’est pas sain. Ce n’est pas de la protection. Ce n’est pas offrir de la sécurité, de la puissance et du pouvoir à la société. Je déplore que nous ne soyons pas des citoyens actifs, constructifs, soutenants, participatifs, créatifs dans cette pandémie. Je déplore que nous soyons plutôt dépréciés au statut de citoyens passifs et résignés attendant une solution miracle qui nous sauvera de cette pandémie.

Je déplore qu’on se dise que « l’augmentation des suicides chez les moins de 15 ans en 2020 soit considéré comme un moindre mal ». Au Japon, cette augmentation est de 30%[2]! Aucun jeune de moins de 15 ans n’est décédé de la Covid mais, 90 se sont enlevés la vie. En 2020, les décès par suicides au Japon dépassent ceux de la Covid, un pays qui n’avait pas connu de hausse de suicides depuis les 11 dernières années! Je déplore que nous n’ayons pas encore accès à ces données au Québec et je déplore que nous n’en fassions pas une priorité. Je déplore que les enfants soient les plus grandes victimes collatérales du Grand confinement selon l’ONU. Des millions de décès annuels supplémentaires des moins de 5 ans sont à prévoir dans les prochaines années[3]. Je déplore qu’en 2020, déjà entre 6000 et 12 000 personnes mouraient quotidiennement de faim[4] en lien avec la crise économique et sociale. Je déplore que le fossé entre privilégiés et vulnérables se creusent, encore. Mais ça, on s’en fout, tant que nous soyons tous vaccinés et que personne ne dérange notre confort lorsque nous pourrons consommer à nouveau des divertissements éphémères et que le cours normal de notre vie aura repris.

Je déplore la destruction du tissu social. Je déplore que nous soyons un contre l’autre, que nous devions choisir un ou l’autre plutôt que favoriser un vivre-ensemble qui tiennent compte des réalités de tous ; celle du personnel soignant, celle des plus démunis, celle de ceux en faillite, celle des personnes en détresse, celle des adolescents, celle des enfants, celle des personnes âgées, celle unique de tout un chacun.

Pour ma part, ce que je vis n’est pas au niveau cognitif : « il faut comprendre que ». Ce que je vis se situe dans l’empathie des différentes réalités aux plurialités infinies.

 

Mélanie Ouimet


[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1784934/coronavirus-sensibilisation-infection-ontario-comparaison

[2] https://www.voaafrique.com/a/le-japon-a-enregistr%C3%A9-plus-de-20-000-suicides-l-an-dernier/5747611.html

[3]https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/policy_brief_on_covid_impact_on_children_16_april_2020.pdf

[4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1731502/faim-alimentation-pandemie-covid-restrictions

Nos jeunes sont-ils réellement résilients?

Nos jeunes sont-ils réellement résilients?

Depuis le début de la pandémie, nous entendons régulièrement que les enfants et les adolescents sont résilients. Nous entendons qu’ils ont des capacités d’adaptation bien plus grandes que les adultes.

 

Lorsque nous vivions des changements qui chamboulent notre quotidien et notre mode de vie habituel, nous vivons du stress. Nos repères sont dérangés. C’est ce que nous vivons de manière intense depuis le début de la pandémie. Chez les enfants, le confinement, les bulles-classes, le lavage de mains, le masque, la distanciation, le manque de rapprochements physiques, les restrictions dans leurs loisirs sont tous des facteurs de stress quotidiens majeurs. Certains vivent avec la peur de tuer leurs grands-parents. Certains ont peur de s’approcher des autres ou d’être approchés. Certains vivent dans un milieu familial précaire. Certains vivent davantage de violence familiale. Certains vivent avec des tensions familiales accentuées. Certains se font bousculés par des adultes qui appliquent les mesures sanitaires vigoureusement ; les enfants n’ont pas beaucoup d’espace pour faire des « erreurs », des « oublis ». Ils sont rapidement recadrés, punis pour certains. Dans tout cette frénésie, qui prend soin de leur cœur?

S’il est vrai que la majorité des enfants, selon leur âge, pourront comprendre les motivations de santé publique qui poussent à instaurer de telles mesures sanitaires, la majorité d’entre eux le vivent mal. Simplement parce que cela va à l’encontre de leur développement affectif et social. Cela va au-delà de leurs capacités cognitives. Ils peuvent comprendre une consigne mais, cela ne signifie pas qu’ils peuvent l’appliquer à tout moment. Leur élan de vie reprend le dessus. Leur besoin de mouvement, leur besoin de liens, leur besoin de liberté, leur besoin d’exploration, leurs émotions ne leur permettent pas de respecter toutes ses consignes sans commettre des oublis, sans transgresser un interdit, sans éprouver des pertes et des frustrations.

Lorsque nous sommes sous stress nous agissons soit par la fuite, l’attaque ou l’immobilisation. Cette réponse physiologique à la menace est la même chez les jeunes. Cependant, ils n’ont pas encore les mots pour nous l’exprimer ni les capacités cérébrales pour y faire face seul ; ils ont besoin des adultes pour les soutenir et pour réguler leur stress. Leur stress et leurs émotions se traduisent via leurs comportements. En d’autres mots, leurs comportements sont leur langage affectif.

Nous constatons des comportements d’attaque et/ou de fuite via l’opposition, les crises, la provocation, la procrastination, les addictions. Nous le constatons également par la hausse des troubles d’apprentissage, des troubles de concentration, des troubles alimentaires, des troubles anxieux, des troubles dépressifs, de la démotivation. Ces comportements devraient être un signal d’alarme sur la détresse et la souffrance que vivent nos jeunes. C’est un signe indéniable que l’adaptation et la résilience ne se font pas. Ce sont des signaux d’alerte qui manifestent que ces mesures sanitaires ainsi que tous les bouleversements liés à la pandémie les affectent grandement.

Nos enfants ne sont pas malades. Ils n’ont pas davantage de troubles neurologiques nécessitant une médicamentation qu’avant la pandémie. Les changements majeurs liés à la pandémie combinés aux mesures sanitaires sont une source de stress. L’environnement dans lequel nos jeunes évoluent est instable et n’est pas compatible avec leur développement. Ces troubles neurologiques et ces troubles mentaux diagnostiqués sont le reflet du stress et des émotions qu’ils vivent. Il n’est pas normal de prescrire des antidépresseurs à de jeunes enfants. Il n’est pas normal de médicaliser les émotions de nos jeunes.

Par ailleurs, s’il est vrai que certains enfants semblent s’accommoder s’en se plaindre des mesures sanitaires qui leur sont imposées, il serait injuste de croire que cela provient de leur grande faculté d’adaptation et de résilience.

Dans les réactions physiologiques du stress, l’immobilisation est la réaction qui passe généralement inaperçue. Par contre, cette réaction de figement est tout autant dommageable, sinon plus, pour le cerveau des enfants. L’état d’immobilisation cause un traumatisme. Les enfants qui semblent « sages », qui écoutent sans rouspéter peuvent être figés par le stress chronique qu’ils vivent. Nous devrions prêter une attention particulière aux enfants « sages ».

Lorsque les enfants sont soumis à un stress important ou à un stress chronique, ils se coupent de leurs sensations, de leurs émotions et de leurs besoins.

Ce que nous croyons alors être de l’adaptation et de la résilience n’est qu’en réalité un mécanisme de survie de notre cerveau.

Un mécanisme qui fait en quelque sorte disjoncter les circuits cérébraux. Lorsque nous nous vivons du stress, notre organisme sécrète du cortisol. Le cerveau des enfants est encore immature et très vulnérable au stress ainsi qu’à l’augmentation de cortisol sanguin. En forte dose, des neurones peuvent être détruits et des circuits neuronaux peuvent s’abîmer. Il y a également un risque vital réel. Les enfants ne PEUVENT pas réguler leur stress seul, ils ont besoin d’un adulte pour les aider à tempérer leurs fortes émotions. Sans quoi, il y a un risque d’accident cardio-vasculaire. Pour protéger l’organisme de l’enfant, leur cerveau disjoncte : le système d’alarme continu d’être activé mais, l’enfant ne perçoit plus ses sensations et ses émotions. L’enfant ne ressent plus le stress ni ses émotions intenses car aucun signal de danger est envoyé à son cerveau. Cet état lui permet de fonctionner sensiblement normalement.

Cela n’est pas une adaptation résiliente mais, un mécanisme d’adaptation pour survivre.

Tôt ou tard, notre corps et notre cerveau reprendrons contact avec ces traumatismes et l’enfant devenu adulte devra les affronter, les vivre avec toute la souffrance et la douleur que son organisme avait anesthésiée. Ce processus est douloureux. Guérir d’un traumatisme est un long chemin et plus un traumatisme met du temps à être pris en charge, plus ardu est le parcours vers la guérison. Plus nous attendons, plus le processus de résilience est difficile à enclencher et les défis psychologiques seront plus difficile à apaiser.

La résilience n’est pas un joli mot fourre-tout permettant notre déresponsabilisation collective et individuelle. Il y a des effets pervers à toutes ses mesures sanitaires ainsi qu’à tous les sacrifices que nous demandons à nos enfants. Alors, qui s’occupe du cœur de nos jeunes?

Nous transmettons la peur dans la population. Nous semons l’angoisse et l’angoisse est un ennemi pernicieux quand il s’empare de notre cerveau. Elle nous paralyse et nous empêche de tout sens critique. L’angoisse nous empêche de toute empathie envers la violence, la maltraitance et la négligence que nous infligeons aux enfants, aux adolescents et à l’ensemble de la société.

Nous pouvons éviter cette souffrance à nos jeunes tant que nous en soyons conscients : nos enfants vivent du stress. Ils ressentent l’anxiété des parents, des enseignants. Ils vivent de l’oppression. Ils subissent des conséquences, des avertissements, des punitions quand malgré tous leurs efforts, ils ne sont pas parvenus à respecter les consignes sanitaires ; un masque oublié, une bulle classe non-respectée, un oubli de lavage de main. C’est un environnement très anxiogène. Soyons-en conscient. Ensemble prenons soin du coeur de nos jeunes. 

La résilience n’est pas possible dans un environnement anxiogène. En situation de stress, on survie. Également, le processus de résilience ne s’enclenche pas seul. Un enfant seul n’est pas résilient. Il faut des conditions favorables. Il faut de la sécurité, il faut être en lien, il faut être écouté et compris.

 

Mélanie Ouimet