La parentalité bienveillante et la neurodiversité

La parentalité bienveillante et la neurodiversité

« (…) Tant que nous ne deviendrons pas plus sensibles aux souffrances du petit enfant, personne ne prêtera attention à ce pouvoir (celui du parent sur l’enfant), nul ne le prendra au sérieux, et on en minimisera l’importance, car après tout « ce ne sont que des enfants » 

Alice Miller

 

Les neurosciences affectives nous démontrent depuis plusieurs années l’importance qu’une éducation non violente a sur le développement de l’enfant[1]. Le cerveau d’un enfant prend plusieurs années avant d’atteindre sa pleine maturité. Ce sont, entre autres, les interactions avec les adultes, basées sur un lien de confiance, sur l’accueil des émotions, sur l’empathie, qui permettent au cerveau de se développer à son plein potentiel.  

Or, encore aujourd’hui, la violence éducative ordinaire bien présente dans notre éducation est appliquée pour modifier les comportements sans en comprendre la source, et combinée à la surmédicamentation utilisée pour normaliser et pour engourdir les sensations sont devenues des interventions communes, soi-disant pour le bien-être de l’enfant.

C’est à partir de ce constat que le lien entre bienveillance et neurodiversité m’est apparu indéniable comme étant une part non négligeable dans la compréhension des comportements perturbants ou incompréhensibles des enfants ayant un diagnostic. Si cette violence ordinaire est encore banalisée ou ignorée dans notre société en général, elle l’est encore plus, à mon avis, lorsqu’il est question de « troubles neurologiques ». Ces enfants pour qui on utilise cette violence banalisée, voire justifiée sous prétexte d’un trouble neurologique.

On interprète si mal les comportements des enfants!

Il est renversant de constater à quel point les émotions sont effacées dans la société en général, mais encore plus lorsqu’on attribue des troubles neurologiques aux enfants, aux ados, aux adultes. Des comportements, des attitudes, des réactions émotionnelles « disproportionnées » ne deviennent alors que les résultantes d’un trouble auquel on doit se précipiter afin d’y remédier, palier, compenser par des thérapies comportementales et des médicaments.

Dans la société dans laquelle nous vivons, nous avons également de plus en plus tendance à qualifier nos enfants de « difficiles », d’« opposants », d’« impulsifs », d’« hyperactifs ». Nous qualifions également souvent leurs réactions émotionnelles de « disproportionnées », d’« agressives », d’« immatures », de « violentes ».

Nous avons de plus en plus tendance à trouver un sens logique aux comportements en apposant une étiquette de trouble, souvent neurodéveloppemental. Le trouble vient justifier l’intensité et donner un sens à notre désarroi. Par contre, nous tombons rapidement dans le piège d’associer tous les comportements de nos enfants à un symptôme en lien avec leur diagnostic. On parle souvent de comorbidité et de troubles graves de comportements comme faisant partie des conséquences dudit « trouble neurologique ». Alors qu’en fait, les comportements des enfants sont principalement des besoins affectifs non compris et non assouvis ou ces comportements découlent simplement de leur immaturité cérébrale dont on oublie bien souvent.

Compte tenu des récentes découvertes sur les mécanismes de l’épigénétique et des neurosciences affectives, nous ne pouvons plus nier que l’environnement dans lequel l’enfant grandit a une influence majeure sur son développement, possiblement beaucoup plus que ce que nous pouvions le croire initialement. Par exemple, des chercheurs de l’Université McGill et de l’Institut Douglas ont découvert que les traumatismes de l’enfance pouvaient altérer l’ADN et influencer le fonctionnement des gènes[2]. Il y a des conséquences biologiques à la maltraitance durant l’enfance qui peuvent influencer le cours de la vie. Un milieu anxiogène modifie l’expression des gènes rendant la personne moins résistante au stress et plus à risque de suicide. Plus récemment, selon Joël de Rosnay, « Chez les êtres humains, la qualité de relation parents-enfants, notamment le degré d’empathie des parents et leurs réponses aux besoins émotionnels de leurs enfants pourra déterminer des années plus tard l’influence du système parasympathique (qui tempère les fonctions neurologiques inconscientes de l’organisme) conduisant à se sentir calme, bien dans sa peau, heureux. Ce système favorise également la cohérence du rythme cardiaque en permettant une meilleure résistance au stress et à la dépression.[3]»

Dans les modes éducatifs actuels, bien que les punitions soient encore fréquemment utilisées, on utilise énormément des systèmes de récompenses, des renforçateurs, ou encore, on ignore volontairement, comme c’est souvent fait en autisme, quand l’enfant a un « mauvais comportement », comme une crise, un comportement opposant, un geste jugé inadéquat. On croit ainsi agir avec bienveillance et utiliser la punition qu’en dernier recours – lorsqu’on se sent impuissant surtout, admettons-le.

Selon Catherine Gueguen, lorsque l’enfant est stressé par des punitions ou des paroles blessantes, il y a une augmentation de cortisol, hormone du stress, qui détruit les neurones dans certaines structures cérébrales. Également, lorsqu’on fait preuve de violence éducative ordinaire, l’ocytocine est bloquée par notre cerveau, ce qui empêche la détente, l’empathie, l’apaisement et également la capacité de réflexion et de mémorisation[4]. Nous sommes ainsi bien souvent responsables, bien involontairement certainement, des « troubles de comportements » et des difficultés affectives de nos enfants.

Par exemple, les autistes, les doués, les enfants ayant un « TDAH » sont reconnus pour être des personnes très sensibles. Ces enfants sont par conséquent sensibles à leur environnement et ils ont de grands besoins affectifs : leur réservoir affectif se vide plus rapidement que la moyenne. L’anxiété, les troubles de comportements, le trouble d’attachement sont souvent présents comme comorbidité chez ces enfants. L’enfant se retrouve avec un trouble et une multitude d’autres souffrances et troubles corrélés. Alors qu’initialement, nous avions un enfant, divergent de la norme, qui présente bien souvent et simplement, des besoins affectifs non assouvis. L’attachement est la base de la sécurité affective et de l’autonomie pour tous les enfants. Sans quoi, le cycle comportemental augmente et l’enfant se retrouve rapidement étiqueté d’agressif, de capricieux, d’opposant, de turbulents, de mal élevé…

 

 

Mélanie Ouimet

Références:

[1]Pour une enfance heureuse, Catherine Gueguen, POCKET, mars 2015

[2]Epigenetic regulation of the glucocorticoid receptor in human brain associates with childhood abuse, Patrick O McGowan, Aya Sasaki, Ana C D’Alessio, Sergiy Dymov, Benoit Labonté, Moshe Szyf, Gustavo Turecki, Michael J Meaney (2009). Nature Neuroscience, 12 (3), 342-348

[3]La symphonie du vivant, Joël de Rosenay, LLL les liens qui libèrent, 2018

[4]Pour une enfance heureuse, Catherine Gueguen, POCKET, mars 2015

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