FREUD ET LE CONCEPT D’OEDIPE

Petite histoire sur la création de cette théorieDans les année 1880-1890, un syndrome appelé hystérie était devenu un point central d’investigations sérieuses.Qu’est-ce que l’hystérie?A l’époque, il s’agissait d’un terme courant pas vraiment défini. Une drôle de maladie aux symptômes incohérents et incompréhensibles réservés strictement aux femmes. Le mal prenait donc origine dans l’utérus, d’où le nom hystérie.Le père de l’étude sur l’hystérie était Martin Charcot. Ces études étaient réalisés à la Salpêtrière, un complexe antique hospitalier qui avait servi d’asile. Les patientes étaient des jeunes femmes qui allaient y trouver un refuge pour échapper à la violence, à l’exploitation et aux viols. Elles avaient la protection et elles devenaient en quelques sortes, des célébrités grâce aux démonstrations de Charcot. Avant Charcot, ces femmes étaient considérées comme des fausses malades, quelle avancée! Charcot démontrait que l’hystérie était une grande névrose pour laquelle les symptômes ressemblaient à des lésions neurologiques: paralysie motrice, pertes sensorielles, convulsions, amnésie. Pour ensuite démontrer que ces symptômes étaient psychologiques.Charcot n’avait aucun intérêt pour la vie antérieur de ces femmes. Les émotions, les cris et autres étaient considérés comme « rien ».Freud et Janet étaient deux disciples de Charcot, avec l’ambition d’aller plus loin. Ces deux rivaux ont trouvé qu’il n’était pas suffisant d’observer froidement les patients : il fallait leur parler. Ainsi, leurs recherches, en France pour Janet et à Vienne pour Freud et son collaborateur Breuer, aboutissent à la même conclusion. L’hystérie est causé par un traumatisme psychologique. Des émotions émotionnelles insupportables liés à des événements traumatisants provoquaient un état de conscience modifiée. La dissociation, nommé par Janet. La double conscience, nommé par Freud.Freud et Breuer mentionnaient que les hystériques souffraient essentiellement de réminiscences. Ils découvraient que les symptômes de l’hystérie pouvaient être soignés quand les mémoires traumatiques et les émotions intenses qui les accompagnaient étaient retrouvés et mise en mots. C’est la base de la psychologie moderne. Et Freud nommera plus tard : psychanalyse. Alors que l’une de ces patientes Anna O. le nomma: guérison par la parole.Nous sommes alors dans le milieu des années 1890 !!Freud alla plus loin et suivi le fil conducteur des récits des femmes, ce qui le mena inévitablement à explorer leur vie sexuelle. Freud arrivait de l’école de Charcot et il était impensable que la sexualité puisse être liée à leurs symptômes. C’était une forme d’insulte! Or, ces patientes lui parlaient encore et encore d’agressions sexuelles, de maltraitance et d’inceste. En remontant le fil de leur mémoire, Freud et ses patientes découvraient des événements traumatisants majeurs vécus durant l’enfance dissimulés dans des expériences plus récentes. En 1896, Freud était convaincu d’avoir trouvé la source de l’hystérie.Dans « Étiologie de l’hystérie », il affirma que « j’avance par conséquent la thèse selon laquelle à la base de chaque cas d’hystérie il y a une ou plusieurs occurrences d’une expérience sexuelle prématurée, lesquelles occurrences remontent aux premières années de l’enfance (…). Je crois que ceci est une découverte importante, la découverte d’un Caput Nili de la neuropathologie. »Plus d’un siècle plus tard, cette publication demeure brillante et argumentée n’ayant rien à envier aux publications actuelles sur les effets de la maltraitance sexuelles sur les enfants.Ce qui aurait du être une énorme contribution dans le domaine du traumatisme marqua plutôt la fin de cette voie d’exploration.Freud était de plus en plus troublé par les témoignages de ces patientes. L’hystérie était si répandue parmi les femmes que si ces histoires étaient vraies et que sa théorie était juste, il serait obligé de déduire que ce qu’il nommait « des actes pervers contre des enfants » était quelque chose d’endémique ! Cette violence était répandue non seulement dans le prolétariat de Paris, mais aussi parmi les familles respectables de la bourgeoisie de Vienne. Cette idée était tout à fait inacceptable et intolérable!Face à ce dilemme, Freud arrêta d’écouter ses patientes. Dans son dernier suivi, il reconnaissait le vécu émotionnel de sa patiente mais, il explora le sentiment d’activation érotique de sa patiente, comme démonstration de la satisfaction de ses désirs.Suite à cette fermeture, les patients ont été plus d’un siècle à affronter encore le silence et le mépris – et c’est encore le cas aujourd’hui!Ces sur ces ruines de la théorie de l’hystérie que la psychanalyse fut créé, sur la négation de la réalité des femmes. La psychanalyse devint l’étude des vicissitudes intérieures du fantasme et du désir, dissocié de la réalité de l’expérience. Au début des année 1900, Freud conclut que les récits d’abus sexuels durant l’enfance de ses patientes hystériques n’étaient pas véridiques : « J’ai fini par être obligé d’admettre que ces scènes de séduction n’avaient jamais eu lieu, et qu’elles n’étaient que des fantasmes que mes patientes avaient construits. »L’étude du traumatisme psychologique s’arrêta.La théorie du complexe d’Oedipe a été élaboré par Freud qui était dans un déni rigide et profond de la réalité des violences sexuelles faites sur des enfants. Il désavoua ses patientes. Il insista sur le fait que les femmes imaginaient et souhaitaient les rencontres sexuelles abusives dont elles se plaignaient.À l’époque, Freud était face a un challenge extrême. Persister avec sa théorie d’origine signifiait reconnaître les profondeurs de l’oppression sexuelle des femmes et des enfants. Cela dépassait les limites de la crédibilité sociale. Sa première publication sur l’étiologie de l’hystérie a été accueilli par un silence fort de ses pairs. Aussi convainquant soit-il, sa découverte n’aurait jamais pu être accepté socialement dans ce contexte politique.Les convictions politiques étaient fortes. Son ambition professionnelle également. Il était plus aisé de développer une théorie du développement humain dans laquelle l’infériorité et la fausseté des femmes étaient des points de doctrines. Dans un tel contexte politique anti-féministe, le succès aura été fulgurant- avec les conséquences et répercussions que nous savons et vivons encore aujourd’hui.Encore aujourd’hui, que ce soit via une psychanalyse archaïque et ici, via une parentalité comportementale, sa théorie vit dans notre société avec toutes sortes de croyances sur le développement de l’enfant, la parentalité, les violences éducatives et pire, les violences sexuelles et les traumatismes.Ces informations historiques sont encore difficiles à trouver aujourd’hui, en 2024. L’oppression, le défi, les politiques et le contexte social pèsent énormément pour que le tabou des traumatismes – pas seulement sexuels – demeurent.

 

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme ———————————————-Pour aller plus loin :*Anna O. Sous son propre nom Bertha Pappenheim-Judith Lewis Herman-Breuer et Freud, Studies on hystériques-Freud, lettre à Wilhelm Fliess, du 4 mai 1896-Masson, Assault on Truth

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