S’écouter mutuellement avec le cœur : un appel au dialogue et à l’ouverture

S’écouter mutuellement avec le cœur : un appel au dialogue et à l’ouverture

Au début de la pandémie, le gouvernement Legault s’est fait rassurant et rassembleur en nous invitant à naviguer tous dans la même direction pour se sortir rapidement de cette crise. Tous ensemble alliant nos forces avec un objectif commun. Tous solidaires. Il nous était proposé un chemin à suivre somme toute assez facile, rapide et simple pour se sortir de cette pandémie sans trop de heurtes. Puis, les mois ont passé. La détresse a augmenté. Les tensions aussi.

 

La solidarité est un sentiment humanitaire qui motive à assister autrui. Nous avons tous été appelé en tant que citoyen à cette solidarité qui entraîne une certaine obligation morale d’assistance mutuelle. Par contre, le fait d’être solidaire n’est pas synonyme de pensée unique. La vision de solidarité et la manière d’apporter son soutien à autrui et à la communauté sont différentes pour chaque individu qui compose cette communauté. Chacun a son vécu, son propre bagage, ses émotions, ses valeurs qui colorent de manière unique sa perception de la vie. La perception de la crise et la manière d’être solidaire sont donc colorées de l’unicité de chaque personne.

 

Et parfois, pour naviguer dans la même direction, nous avons besoin de réflexion, de créativité, d’idées, de débats, d’options variées. La divergence d’opinion est saine. La divergence d’opinion n’est pas synonyme de division. La divergence d’opinion est nécessaire pour nous construire en tant que société et pour traverser les différentes crises comme la pandémie.

 

À l’opposé, la fermeture, la pensée unique, l’autoritarisme divisent les gens et les radicalisent. Lorsque nous ne savons plus nous écouter, nous crions plus fort. Nous essayons d’avoir raison, de convaincre, d’imposer notre vision. Plus la fermeture est présente, plus nous crions fort. Plus nous souhaitons avoir raison, plus nous crions fort. Plus nous souhaitons convaincre, plus nous crions fort. Pourquoi crions-nous si fort déjà?

Parfois, il est plus facile de croire qu’un certain groupe est dérangé. Il est plus facile d’anéantir leurs réflexions en leur apposant une étiquette : complotiste, covidiot. Il devient alors facile d’enlever crédit à leur réflexion immédiatement qualifiée de théorie du complot ou d’antiscientifique. Il est aussi facile de croire qu’un groupe est en faveur de la discrimination et de la ségrégation d’êtres humains. Il est facile de se soulever contre ce groupe et de défendre coûte que coûte notre liberté et nos droits fondamentaux sans comprendre la perception de l’autre.

 

Il est beaucoup plus facile, rassurant et confortable de demeurer dans des croyances simplistes. Lorsque nous tombons dans cette simplicité de pensée, nous ouvrons la porte aux doctrines et à la radicalisation la société plutôt qu’au dialogue sain et constructif.

 

Thomas d’Ansembourg disait : « Il y a beaucoup plus d’intelligence dans deux cœurs qui essaient de se comprendre que dans deux intelligences qui essaient d’avoir raison. » Au-delà de toutes ces prises de positions féroces, qu’est-ce qu’il y a dans nos cœurs? Quels sont nos émotions? Quels sont nos besoins? Qu’est-ce que nos cris nous murmurent?

Malheureusement, il n’y a pas de réponse simple et unique pour résoudre cette catastrophe sanitaire comme nous l’aimerions. La réalité est complexe et écouter l’autre avec cœur demande d’être dérangé dans nos croyances, d’être confronté dans nos convictions, d’être inconfortable face à nos certitudes ébranlées et d’accepter de vivre énormément d’insécurité.

 

Mélanie Ouimet

 

Vaccination : la perversion de l’altruisme et du concept de liberté

Vaccination : la perversion de l’altruisme et du concept de liberté

Dessin d’Olivier Lascar extrait du numéro d’été de Sciences et Avenir – La Recherche.

 

Devant la hausse des cas de Covid, le gouvernement de François Legault ira de l’avant avec le passeport vaccinal. Cette mesure vise à assurer la santé publique de tous les citoyens. Cependant, les discours des dirigeants m’amènent à me questionner sur les véritables motivations de cette mesure.

 

Lors de sa conférence de Presse du jeudi 5 août 2021, le premier ministre a mentionné que le principe derrière ce passeport vaccinal « est que les personnes qui ont fait l’effort d’aller chercher leurs deux doses doivent être capable de vivre une vie quasi normale, d’avoir accès à toutes les activités, incluant celles qui sont non-essentielles, comme les restaurants » et il ajoute, « Oui, on va donner certains privilèges à ceux et celles qui ont accepté de faire l’effort ». Sur le compte Twitter de Christian Dubé, nous pouvions lire « avec le passeport vaccinal et la 4e vague, les personnes qui ont fait l’effort de se faire vacciner ne doivent pas être privées d’activités. C’est aux retardataires à se conformer ».

Lorsque j’entends des mots tels que « se conformer », « des privilèges », « faire l’effort », je me questionne à savoir si la santé publique est réellement l’enjeu de l’instauration du passeport vaccinal. Je me demande s’il ne s’agit pas d’une stratégie pour obtenir de la population obéissance face à une seule et unique ligne de pensée. Après tout, pourquoi ne pas utiliser des tests PCR négatif pour avoir accès à certains endroits si la santé publique est le véritable enjeu. Ainsi, je me demande quelle place il reste à la liberté de penser, à la liberté d’opinion, à la liberté de choisir, à la liberté de s’exprimer, à la liberté d’échanger, à la liberté de réfléchir. Que reste-t-il des plurialités qui permettent la créativité, l’innovation, les avancés, la richesse de la diversité? Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la neurodiversité, concept que je valorise depuis plusieurs années. La norme sociale nous dit : si vous avez un cerveau construit différemment de la norme, vous êtes exclus et on nous propose tout pour nous corriger, pour nous faire entrer dans le moule. La société dit : vous êtes malades, vous avez un trouble mental. Des thérapies, de la violence et de la médication sont alors utilisés pour faire revenir dans la norme les personnes au cerveau atypique.

Sous prétexte de la liberté, de l’autonomie, du bien-collectif, nous pervertissons l’essence fondamentale de ces concepts et nous remettons notre liberté, notre autonomie et le bien-collectif aux mains des pharmaceutiques et des politiciens. Notre capacité réflective, notre intelligence, notre pouvoir personnel sont anéantis sous une norme sociale présentée comme étant la seule et unique voie pour se sortir de la crise sanitaire. Une norme sociale qui se permet de catégoriser les êtres humains entre « les altruistes » et les « égoïstes ». Entre ceux qui « font bien » versus ceux qui « font mal ». Bientôt, nous retournerons à des croyances religieuses au travers du scientisme. La science pourra distinguer le bien du mal et punir ceux qui propagent le mal. Cette porte à la ségrégation du peuple est déjà grandement ouverte.

Doucement, nous glissons vers une société totalitaire. Bien sûr, nous pouvons prendre parole et s’opposer. Nous sommes loin de la terreur imposée par un tel régime politique. Par contre, la violence est utilisée en politique pour dicter la conduite à adopter. Des comportements sont récompensés et des privilèges sont offerts pour ceux qui ont bien fait. La discrimination et la ségrégation s’installent progressivement. Des attentes sociales sont dictées et nous avons l’obligation de nous y conformer sous peine d’être pénalisés. L’autoritarisme et l’emprise sont bien présents.

La dictature, c’est également de pervertir le concept de la liberté en utilisant des formes de violences et des stratégies qui servent à persuader la population qu’en suivant la norme établit, ils seront libres. De persuader la population des bien-fondés d’une ligne de conduite et de faire en sorte que la majorité y adhèrent de manière volontaire. Cependant, est-ce bien sous un choix libre et éclairé que des personnes se conforment? Est-ce bien de manière volontaire lorsque des récompenses, des privilèges, des punitions, des contraintes, des menaces, du chantage sont perpétués et martelés quotidiennement? Combien de personnes se font vacciner par peur du rejet, de perdre leur emploi, de ne pas pouvoir circuler librement, de ne pas participer aux sports-études et non par choix éclairé pour leur santé?

Il y a une plurialités de perception sur la vision de la crise sanitaire et de notre société. Il y a une plurialités de manière de concevoir la santé physique et mentale. Il y a une plurialités de choix pour prendre soin de notre santé. Pourquoi promouvoir qu’une seule manière d’y parvenir?

Sous quel prétexte il est permis de porter des jugements et de violenter des citoyens, des êtres humains, simplement parce qu’ils ont une vision différente? Sous quel prétexte un citoyen se mérite le statut d’égoïste et d’être rejeté de la société parce qu’il refuse un traitement médical? Que savons-nous de la vie de ces personnes? Que savons-nous de leurs valeurs? Que savons-nous de leur implication sociale? Que savons-nous de la conception de la vie? Que savons-nous de leur humanisme? Pourquoi leur perception ne contribuerait pas à construire une société meilleure? Pourquoi juge-t-on qu’ils ne font pas d’effort?

Oscar Wilde disait, « L’égoïsme, ce n’est pas vivre comme on veut mais, exiger que les autres vivent comme on le voudrait nous. » Je me demande qu’est-ce que certaines personnes ont à vouloir imposer avec virulence leur vision, leur choix, leurs croyances, leur perception à d’autres. Qu’est-ce qui est présent sous le besoin de contrôle d’autrui? Qu’est-ce qui est présent sous le besoin d’obtenir une récompense et de mériter le statut de citoyen modèle? Qu’est-ce qui se cache sous le besoin de faire « bien » et de pointer du doigt ceux qui font « mal »?  À chacun d’y trouver en soi ses réponses.

La société nous fait miroiter la solidarité et l’altruiste. Mais, lorsque je vois des gens empressés d’obtenir leur vaccin pour pouvoir aller prendre un petit soupé en terrasse avec une bonne bière, je me questionne. Quand nos dirigeants nous montrent une carotte pour nous attirer vers la vaccination, je me questionne. J’y vois davantage du nombrilisme que de l’altruisme. Un nombrilisme provenant de notre société individualisme, de surconsommation et de plaisirs instantanés et éphémères. Des petits plaisirs qui l’emportent sur la réflexion, sur le sens de la vie, sur l’acceptation de la diversité et sur les valeurs sociales que nous souhaitons véritablement offrir à nos enfants.

 

Mélanie Ouimet

Pandémie : sortir de l’échange stérile « pour ou contre »

Pandémie : sortir de l’échange stérile « pour ou contre »

Je ne sais pas quelles stratégies auraient été préférables. Je ne suis pas dans le « pour » ou « contre » ni dans un « clan » ou « dans l’autre ». Je suis humaine et j’ai des jugements mais, j’ai toujours été dans la réflexion avec une pensée fluide qui dérange.

 

Je ne me situe pas d’un côté ni de l’autre. Je suis pour un vivre-ensemble qui ne fera violence à personne. Je cherche une autre proposition de société qui sort de nos croyances acquises limitantes. Ce n’est pas parce que nous ne savons pas faire autrement que cet autrement n’existe pas et que nous devons rester enfermés dans nos carcans sociaux, et pire, sous prétexte que « nous sommes en pandémie! ».

Ainsi, je déplore que nous n’ayons plus le droit à la réflexion et que seule la pensée unique domine. La division, l’extrémisme, la radicalisation naissent de cette pensée unique et de cette incapacité d’échanger, de débattre avec écoute et ouverture.

Je déplore que nos gouvernements optent pour des obligations plutôt que des recommandations. Pendant que nous souhaitons assurer notre sécurité, nous ne voyons pas que nous faisons violence à d’autres et pire, parfois nous trouvons que cela justifié. Je déplore que nous n’ayons pas misé sur la responsabilisation, le discernement et le gros bon sens de tout un chacun.

Je déplore les 133 millions et des poussières[1] dépensés en publicité pour maintenir un discours unique et persuasif qui maintient un climat de peur. La peur et les mécanismes de survie nous déshumanisent. Des situations que jamais nous accepterions deviennent acceptables, voire nécessaires ; des ainées isolées dans leur chambre, des personnes qui décèdent seul sans pouvoir voir leur proche, des enfants masqués, des adolescents isolés. L’isolement est une torture. Rien de justifie la violence et encore moins sous prétexte que cela ne nous tue pas. Sauf peut-être lorsque nous sommes aveuglés par la peur qui nous empêche d’être en réelle empathie et que nous avons des croyances limitantes ; « on n’a pas le choix, on est en pandémie! ».

Je déplore ces discours : « Nous devons tous faire des sacrifices! », « Des gens vont mourir si… », « Par respect pour les personnes décédés, nous devons… », « Il faut soutenir et être solidaire avec le personnel soignant! ». C’est de la violence collective, de la manipulation, de la culpabilisation. Les sanctions, les obligations, les menaces, les chasses aux sorcières, le mépris, les insultes, le rabaissement sont des formes de violence. Ce n’est pas pour notre bien. Ce n’est pas sain. Ce n’est pas de la protection. Ce n’est pas offrir de la sécurité, de la puissance et du pouvoir à la société. Je déplore que nous ne soyons pas des citoyens actifs, constructifs, soutenants, participatifs, créatifs dans cette pandémie. Je déplore que nous soyons plutôt dépréciés au statut de citoyens passifs et résignés attendant une solution miracle qui nous sauvera de cette pandémie.

Je déplore qu’on se dise que « l’augmentation des suicides chez les moins de 15 ans en 2020 soit considéré comme un moindre mal ». Au Japon, cette augmentation est de 30%[2]! Aucun jeune de moins de 15 ans n’est décédé de la Covid mais, 90 se sont enlevés la vie. En 2020, les décès par suicides au Japon dépassent ceux de la Covid, un pays qui n’avait pas connu de hausse de suicides depuis les 11 dernières années! Je déplore que nous n’ayons pas encore accès à ces données au Québec et je déplore que nous n’en fassions pas une priorité. Je déplore que les enfants soient les plus grandes victimes collatérales du Grand confinement selon l’ONU. Des millions de décès annuels supplémentaires des moins de 5 ans sont à prévoir dans les prochaines années[3]. Je déplore qu’en 2020, déjà entre 6000 et 12 000 personnes mouraient quotidiennement de faim[4] en lien avec la crise économique et sociale. Je déplore que le fossé entre privilégiés et vulnérables se creusent, encore. Mais ça, on s’en fout, tant que nous soyons tous vaccinés et que personne ne dérange notre confort lorsque nous pourrons consommer à nouveau des divertissements éphémères et que le cours normal de notre vie aura repris.

Je déplore la destruction du tissu social. Je déplore que nous soyons un contre l’autre, que nous devions choisir un ou l’autre plutôt que favoriser un vivre-ensemble qui tiennent compte des réalités de tous ; celle du personnel soignant, celle des plus démunis, celle de ceux en faillite, celle des personnes en détresse, celle des adolescents, celle des enfants, celle des personnes âgées, celle unique de tout un chacun.

Pour ma part, ce que je vis n’est pas au niveau cognitif : « il faut comprendre que ». Ce que je vis se situe dans l’empathie des différentes réalités aux plurialités infinies.

 

Mélanie Ouimet


[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1784934/coronavirus-sensibilisation-infection-ontario-comparaison

[2] https://www.voaafrique.com/a/le-japon-a-enregistr%C3%A9-plus-de-20-000-suicides-l-an-dernier/5747611.html

[3]https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/policy_brief_on_covid_impact_on_children_16_april_2020.pdf

[4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1731502/faim-alimentation-pandemie-covid-restrictions

Le port du masque chez les adultes : vers une régression du potentiel du cerveau humain?

Le port du masque chez les adultes : vers une régression du potentiel du cerveau humain?

Dans un texte paru en mars dernier signé par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, des psychologues alarment sur les conséquences du port du masque chez les adultes qui prennent soin des jeunes enfants quotidiennement.

 

Depuis maintenant plus d’un an, les jeunes enfants ne connaissent que cet environnement sanitaire : distanciation, lavage des mains, visages masqués et climat anxiogène. Ils observent des adultes à demi-visage. Ils entendent leur voix étouffée par le masque. Ils ont peu de contacts sociaux. Ils ont peu de contacts physiques. Ils vivent dans un climat anxiogène empli d’interdits. Leur développement social, émotionnel et cognitif est brimé et conséquemment, altéré. Dans la vie d’un jeune enfant, 1 an est une éternité. Certains ne se souviennent plus de la vie d’avant la pandémie. D’autres ne connaissent que cela. Un temps immensément grand qui laisse place déjà à de lourdes conséquences développementales visibles et qui prendront des années à palier.

Le cerveau humain est construit pour être en relation intime avec les autres. L’être humain est un mammifère grégaire qui vit en interdépendance avec ceux qui l’entourent. C’est une nécessité biologique.

La faculté d’empathie est innée à notre espèce. C’est-à-dire que notre cerveau contient déjà tout le bagage génétique pour ressentir de l’empathie envers autrui. Par contre, pour développer cette compétence au fil des années, le petit d’Homme a besoin d’un environnement qui sera favorable au déploiement de cette faculté comme pour toutes autres compétences relationnelles. L’être humaine naît avec un cerveau très immature. Le cerveau des tout-petits est très fragile et vulnérable au stress. L’environnement dans lequel il évolue a un impact majeur sur le bon développement de son cerveau.

Déjà, nous avions des données en juin 2020 d’une étude réalisée par une équipe chinoise de la pandémie de SRAS de 2003 portant sur le développement de 15 000 enfants âgés de 0 à 15 ans[1]. Les retards langagiers, moteurs et sociaux sont notables. Une réduction des courbes de poids particulièrement chez les jeunes enfants de moins de 4 ans a été observée. Les causes étaient les changements de comportement (port de masque, quarantaines et activités extérieure réduite) qui peuvent affecter les fonctions physiologiques et psychosociales des enfants. Les masques nuisent à la communication non verbale entre les enfants et les adultes et affaiblissent les liens sociaux et cognitifs.

En janvier 2021, l’Université de Grenoble donne les résultats d’une enquête réalisée auprès de 600 professionnels de la petite enfance sur les effets du port du masque et des nouvelles modalités d’accueil des enfants. Il en ressort que les interactions langagières sont plus pauvres. Le port du masque a des conséquences sur l’acquisition du langage. Cela est particulièrement remarqué chez les mois de 18 mois ; ils ne parviennent pas à saisir les paroles et se désintéressent de ce qui leur est dit. Nombreux professionnels ont noté des attitudes socioaffectives altérées : pleurs, anxiété, tentatives de retirer le masque de l’adulte ou au contraire, des réactions de peur face au visage démasqué et des difficultés à déclencher le sourire réponse. Les professionnels déplorent également les conditions de travail délabrés : fatigue liée à l’altération de la respiration, nécessité de hausser le ton pour se faire entendre, surcharge de travail pour s’adapter aux mesures d’hygiène, renoncement à certaines activités.

L’environnement dans lequel évolue un enfant favorise ou non son développement affectif, social et cognitif. Les relations affectives et sociales sont au cœur du développement du cerveau humain. Des connexions cérébrales cognitives et sociales affaiblies étaient remarquées chez les enfants observés lors de l’épidémie en 2003. Qu’en sera-t-il pour cette pandémie mondiale? Des connexions s’affaiblissent déjà petit à petit. Les connexions neuronales et les circuits subjacents ne peuvent pas pleinement se déployer dans un environnement anxiogène ni en l’absence de contacts physiques et de chaleur humaine. L’être humain a besoin de voir le visage entier pour développer pleinement ses compétences socio-émotionnelles et cognitive. Le cerveau des enfants sera-t-il gravement entravé? Verrons-nous des enfants avec un cortex préfrontal plus petit car moins de neurones et de circuits neuronaux se seront créés? Reconnaîtrons-nous toutes ces régressions dans le développement du cerveau humain comme étant la conséquence directe de ces mesures sanitaires? Ou, préfèrerons-nous nous esquiver de notre responsabilité en diagnostiquant massivement des troubles neurologiques et psychologiques chez la prochaine génération? Cette porte est déjà pleinement ouverte…

Les jeunes s’adaptent-ils? Font-ils preuve de résilience? Les enfants ont la faculté de se résigner afin de poursuivre leur développement en toutes circonstances. C’est l’instinct de survie qui prédomine. À cela ne tienne, le coût à payer quant à leur développement affectif, social et cognitif est énorme. La détresse et la souffrance engendrée n’est pas moindre.

Les conséquences des mesures sanitaires sur le développement affectif, social et cognitif des enfants sont graves et spécifiques. Nombreuses études s’entendent pour dire que les enfants transmettent peu la Covid aux adultes – ce sont les adultes qui contaminent les enfants et les enfants sont très peu à risque de formes graves[2]. Tout un chacun a droit de travailler dans un milieu sécuritaire. Les enfants, notre avenir, ont également droit à ce que l’environnement dans lequel ils croissent soit sécuritaire affectivement et physiquement. Ils ont le droit d’être entourés d’adultes qui prennent soin d’eux et veillent au bon développement de toutes leurs facultés affectives, sociales et cognitives. Les enfants sont des êtres dépendants, fragiles et vulnérables et nous avons ce devoir en tant qu’adultes de veiller à leur épanouissement.

 

Mélanie Ouimet

 


Références:

[1] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.12.20099945v1

[2] https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/AvisRapportsDomaine?clefr=911

Nos jeunes sont-ils réellement résilients?

Nos jeunes sont-ils réellement résilients?

Depuis le début de la pandémie, nous entendons régulièrement que les enfants et les adolescents sont résilients. Nous entendons qu’ils ont des capacités d’adaptation bien plus grandes que les adultes.

 

Lorsque nous vivions des changements qui chamboulent notre quotidien et notre mode de vie habituel, nous vivons du stress. Nos repères sont dérangés. C’est ce que nous vivons de manière intense depuis le début de la pandémie. Chez les enfants, le confinement, les bulles-classes, le lavage de mains, le masque, la distanciation, le manque de rapprochements physiques, les restrictions dans leurs loisirs sont tous des facteurs de stress quotidiens majeurs. Certains vivent avec la peur de tuer leurs grands-parents. Certains ont peur de s’approcher des autres ou d’être approchés. Certains vivent dans un milieu familial précaire. Certains vivent davantage de violence familiale. Certains vivent avec des tensions familiales accentuées. Certains se font bousculés par des adultes qui appliquent les mesures sanitaires vigoureusement ; les enfants n’ont pas beaucoup d’espace pour faire des « erreurs », des « oublis ». Ils sont rapidement recadrés, punis pour certains. Dans tout cette frénésie, qui prend soin de leur cœur?

S’il est vrai que la majorité des enfants, selon leur âge, pourront comprendre les motivations de santé publique qui poussent à instaurer de telles mesures sanitaires, la majorité d’entre eux le vivent mal. Simplement parce que cela va à l’encontre de leur développement affectif et social. Cela va au-delà de leurs capacités cognitives. Ils peuvent comprendre une consigne mais, cela ne signifie pas qu’ils peuvent l’appliquer à tout moment. Leur élan de vie reprend le dessus. Leur besoin de mouvement, leur besoin de liens, leur besoin de liberté, leur besoin d’exploration, leurs émotions ne leur permettent pas de respecter toutes ses consignes sans commettre des oublis, sans transgresser un interdit, sans éprouver des pertes et des frustrations.

Lorsque nous sommes sous stress nous agissons soit par la fuite, l’attaque ou l’immobilisation. Cette réponse physiologique à la menace est la même chez les jeunes. Cependant, ils n’ont pas encore les mots pour nous l’exprimer ni les capacités cérébrales pour y faire face seul ; ils ont besoin des adultes pour les soutenir et pour réguler leur stress. Leur stress et leurs émotions se traduisent via leurs comportements. En d’autres mots, leurs comportements sont leur langage affectif.

Nous constatons des comportements d’attaque et/ou de fuite via l’opposition, les crises, la provocation, la procrastination, les addictions. Nous le constatons également par la hausse des troubles d’apprentissage, des troubles de concentration, des troubles alimentaires, des troubles anxieux, des troubles dépressifs, de la démotivation. Ces comportements devraient être un signal d’alarme sur la détresse et la souffrance que vivent nos jeunes. C’est un signe indéniable que l’adaptation et la résilience ne se font pas. Ce sont des signaux d’alerte qui manifestent que ces mesures sanitaires ainsi que tous les bouleversements liés à la pandémie les affectent grandement.

Nos enfants ne sont pas malades. Ils n’ont pas davantage de troubles neurologiques nécessitant une médicamentation qu’avant la pandémie. Les changements majeurs liés à la pandémie combinés aux mesures sanitaires sont une source de stress. L’environnement dans lequel nos jeunes évoluent est instable et n’est pas compatible avec leur développement. Ces troubles neurologiques et ces troubles mentaux diagnostiqués sont le reflet du stress et des émotions qu’ils vivent. Il n’est pas normal de prescrire des antidépresseurs à de jeunes enfants. Il n’est pas normal de médicaliser les émotions de nos jeunes.

Par ailleurs, s’il est vrai que certains enfants semblent s’accommoder s’en se plaindre des mesures sanitaires qui leur sont imposées, il serait injuste de croire que cela provient de leur grande faculté d’adaptation et de résilience.

Dans les réactions physiologiques du stress, l’immobilisation est la réaction qui passe généralement inaperçue. Par contre, cette réaction de figement est tout autant dommageable, sinon plus, pour le cerveau des enfants. L’état d’immobilisation cause un traumatisme. Les enfants qui semblent « sages », qui écoutent sans rouspéter peuvent être figés par le stress chronique qu’ils vivent. Nous devrions prêter une attention particulière aux enfants « sages ».

Lorsque les enfants sont soumis à un stress important ou à un stress chronique, ils se coupent de leurs sensations, de leurs émotions et de leurs besoins.

Ce que nous croyons alors être de l’adaptation et de la résilience n’est qu’en réalité un mécanisme de survie de notre cerveau.

Un mécanisme qui fait en quelque sorte disjoncter les circuits cérébraux. Lorsque nous nous vivons du stress, notre organisme sécrète du cortisol. Le cerveau des enfants est encore immature et très vulnérable au stress ainsi qu’à l’augmentation de cortisol sanguin. En forte dose, des neurones peuvent être détruits et des circuits neuronaux peuvent s’abîmer. Il y a également un risque vital réel. Les enfants ne PEUVENT pas réguler leur stress seul, ils ont besoin d’un adulte pour les aider à tempérer leurs fortes émotions. Sans quoi, il y a un risque d’accident cardio-vasculaire. Pour protéger l’organisme de l’enfant, leur cerveau disjoncte : le système d’alarme continu d’être activé mais, l’enfant ne perçoit plus ses sensations et ses émotions. L’enfant ne ressent plus le stress ni ses émotions intenses car aucun signal de danger est envoyé à son cerveau. Cet état lui permet de fonctionner sensiblement normalement.

Cela n’est pas une adaptation résiliente mais, un mécanisme d’adaptation pour survivre.

Tôt ou tard, notre corps et notre cerveau reprendrons contact avec ces traumatismes et l’enfant devenu adulte devra les affronter, les vivre avec toute la souffrance et la douleur que son organisme avait anesthésiée. Ce processus est douloureux. Guérir d’un traumatisme est un long chemin et plus un traumatisme met du temps à être pris en charge, plus ardu est le parcours vers la guérison. Plus nous attendons, plus le processus de résilience est difficile à enclencher et les défis psychologiques seront plus difficile à apaiser.

La résilience n’est pas un joli mot fourre-tout permettant notre déresponsabilisation collective et individuelle. Il y a des effets pervers à toutes ses mesures sanitaires ainsi qu’à tous les sacrifices que nous demandons à nos enfants. Alors, qui s’occupe du cœur de nos jeunes?

Nous transmettons la peur dans la population. Nous semons l’angoisse et l’angoisse est un ennemi pernicieux quand il s’empare de notre cerveau. Elle nous paralyse et nous empêche de tout sens critique. L’angoisse nous empêche de toute empathie envers la violence, la maltraitance et la négligence que nous infligeons aux enfants, aux adolescents et à l’ensemble de la société.

Nous pouvons éviter cette souffrance à nos jeunes tant que nous en soyons conscients : nos enfants vivent du stress. Ils ressentent l’anxiété des parents, des enseignants. Ils vivent de l’oppression. Ils subissent des conséquences, des avertissements, des punitions quand malgré tous leurs efforts, ils ne sont pas parvenus à respecter les consignes sanitaires ; un masque oublié, une bulle classe non-respectée, un oubli de lavage de main. C’est un environnement très anxiogène. Soyons-en conscient. Ensemble prenons soin du coeur de nos jeunes. 

La résilience n’est pas possible dans un environnement anxiogène. En situation de stress, on survie. Également, le processus de résilience ne s’enclenche pas seul. Un enfant seul n’est pas résilient. Il faut des conditions favorables. Il faut de la sécurité, il faut être en lien, il faut être écouté et compris.

 

Mélanie Ouimet